Réaliser une comédie musicale fondée sur les chansons des Beatles semblait a priori une bonne opportunité pour sublimer une histoire d'amour, en la conjuguant avec des œuvres universelles qui pourraient dans le même temps acquérir une nouvelle dimension, mais le résultat est hélas largement décevant. En effet, si les chansons du groupe sont très populaires et parlent à tout le monde, il ne faut pas oublier qu'il s'agit souvent de chefs-d’œuvre qui ont révolutionné l'histoire de la musique. Connues de tous, elles pourraient presque parfois passer pour de simples éléments de décor constitutifs d'une culture mondiale, mais elles sont avant tout des modèles de perfection musicale, parmi les plus belles choses découvertes par les mélomanes au vingtième siècle, ainsi que le fruit d'expérimentations extrêmement élaborées et de talents hors du commun. Réinterprétées pour les besoins du long-métrage, elles perdent à la fois leur singularité et leur profondeur, n'agissant plus que comme des détonateurs à l'action. Dénaturées, elles sont reléguées au rang de faire-valoir. Le scénario semble d'ailleurs avoir tenté de contenir le plus de références possibles au groupe, au risque de l'indigestion, et tout ça pour développer une histoire risible et peu subtile. En effet, pourquoi toujours associer les années 60 au même parcours initiatique laborieux, à savoir le départ de la bourgeoisie pour rejoindre les rangs des hippies et des opposants pacifistes ? Les poncifs habituels sont ainsi utilisés à foison, sans aucune tentative de renouvellement. De plus, la romance elle-même s'avère assez mièvre et déjà vue. Pas de quoi se passionner pour le film...
Heureusement, "Across the Universe" peut valoir le coup d’œil pour la volonté manifeste de Julie Taymor d'aboutir à quelque chose d'artistique. Cela donne un certain nombre de séquences psychédéliques parfois très réussies, à l'instar du recrutement militaire ou du clip de "Strawberry Fields Forever" – la photographie de Bruno Delbonnel est d'ailleurs très belle. En vérité, pour que le film soit véritablement bon, il aurait sans doute fallu qu'il ne contienne que des scènes de ce type, baroques ou décalées, et surtout inventives, mais aussi qu'il évite l'avalanche de bons sentiments qui l'alourdit constamment. Dans leurs propres films, les Beatles ont toujours su accorder une grande place à l'absurde et c'est cette énergie qu'il eût été bon de retrouver. En l'état, on n'a droit qu'à une poignée de scènes remarquables pour enjoliver une guimauve aux accents parfois ridicules (cf. le massacre de "Dear Prudence"). Une romance anecdotique là où on aurait pu attendre quelque chose de vraiment original, en somme.