« Qui pensez-vous être ? » Nous ne comptons plus le nombre d’œuvres qui ont, habilement ou non, essayer de répondre à la question. Mais la génération à qui cette problématique porte tout son sens, c’est bien celle de l’adolescence, période de confusion et de la passion. En Amérique, la tendance renverse les inspirations d’auteurs, comme le réalisateur et scénariste John Hughes, en considérant cette tranche d’âge comme un groupe social à part entière. Ce constat est encore d’actualité et n’est pas près de changer de sitôt. Frontal quand il le faut, puis subtil avec de quoi agrémenter le parfum de mystère et de narration, le film s’engage sur des problématiques connues, tenants presque du cliché, mais avec ce qu’il faut en justesse pour l’exploiter.
Une poignée de lycéens suffit donc dans cette étude de dissection. Chacun constitue un organe indépendant, avant de trouver des similitudes dans leur peine. On retrouve alors Andrew Clarke (Emilio Estevez), le sportif discipliné, mais surcôté ; Brian Johnson (Anthony Michael Hall), l’intellectuel de service, mais coincé : John Bender (Judd Nelson), le voyou patibulaire ; Claire Standish (Molly Ringwald), la fille aisée sans personnalité et hautaine ; et Allison Reynolds (Ally Sheedy), la bizarrerie ou encore la sauvagerie en deuxième prénom. Leur différence devient un sujet de conversation notable, mais à hauteur de leur expérience en la matière. Il s’agit bel et bien d’un film avec des adolescents, pour des adolescents. Les adultes présents ne sont que des ombres ou ne savent pas prendre le recul nécessaire afin de comprendre le malaise de toute une génération, en manque d’accompagnement et d’assurance. Le portrait dépeint est universel et la morale séduit, car elle se veut honnête et pousse toujours à l’apprentissage.
Face aux responsabilités, au rejet et à la solitude, ces derniers ne se doutent pas qu’il existe bien plus à l’extérieur de leur zone de confort. Et c’est en explorant cette parcelle de la vie, en se questionnant et en osant, qu’ils apprennent à accepter ce qu’ils sont et ce qu’ils ne souhaiteraient pas devenir. Par la même occasion, on y aborde la sexualité avec un ton à la fois crue et à la fois symbolique, si l’on fait un parallèle avec les dernières polémiques sur le harcèlement. Le personnage de Bender est tout indiqué pour provoquer, jusqu’à la dernière minute, mais il faudrait retenir, ce sera l’évolution de chacun. En détournant des codes sur les conventions et la routine, nous avons à faire à des rebelles, qui finiront par se plier à la réalité, en assumant une part d’eux-mêmes. Allison en témoigne, ce qui justifie une pareille métamorphose sur le dénouement.
« Breakfast Club » est le teen movie par excellence, explorant le mal-être d’adolescents désemparés par les enjeux sociétaux et leur croisade vers la maturité. De l’autre côté de l’Atlantique, l’influence de la pop-culture américaine est loin d’être inconnue des dernières générations, c’est pourquoi le film est encore ancré dans l’actualité. Il nécessite, sans nul doute, d’un second visionnage pour s’abreuver de toutes les nuances et les trajectoires cachées du récit. Et nous comprendrions mieux le personnage libre de Carl (John Kapelos), un concierge qui a fait de l’école son domicile spirituel. Dans ce labyrinthe intemporel et à huis-clos, Hughes est parvenu à réinventer bien des choses, tant sur le point technique que pratique. Sa mise en scène est une délivrance et reste un modèle à jour, telle une dissertation sur le club des cinq et qui vient tout juste de commencer.