Tout commence lorsque madame découvre que son mari, chef d'une entreprise renommée, la trompe après le boulot avec un autre homme. Sans savoir quoi penser, elle choisit d'en parler non pas à ses amies coincées mais avec son jardinier noir, ce qui n'est pas très bien vu dans les années 50. Soulagement, "Loin du paradis" lorgne plus du côté des grands films d'époques de Spielberg, Scorsese (ou même de Spike Lee, pour la partie "ségrégation") que du récent "Dialogue avec mon jardinier"... Todd Haynes, l'indépendant lunatique d'Hollywood, retrouve Julianne Moore sept ans après "Safe" pour lui offrir un de ses plus beaux rôles (la nomination aux Oscars n'est qu'amplement méritée), dans un mélo rare et de bonne facture, de la rigueur de la reconstitution à la structure de son script. Bien sur, il faut un certain temps d'adaptation avant de pleinement se laisser charmer par ce splendide exercice de style, où tout ce qui est parfait et lisse de l'extérieur regorge de troubles intérieurs, troubles qui éclatent sous l'oeil intelligent d'Haynes. Si le rapprochement avec "The hours", toujours avec Moore, est facilement faisable à cause des différents thèmes qu'il aborde, cette pépite de Todd Haynes se différencie du reste des productions actuelles par cette envie remarquable de vouloir innover, comme dans son précédent "Velvet goldmine", quitte à laisser certains spectateurs sur le bas-côté, puisque l'histoire elle-même importe moins que les émotions qu'elle suscite. Son film bénéficie d'une réalisation sensible et des acteurs parfaits, les scènes entre l'héroïne et son imposant mais touchant jardinier, incarné à merveille par Dennis Haysbert se révélant être d'une beauté, surtout lors du final, pas si loin du paradis...