Je poursuis en pointillés mon chemin sur la Nouvelle Vague.
« Le Beau Serge » de Claude Chabrol serait considéré par les spécialistes comme le premier film de l’ère Nouvelle Vague.
Possible.
Claude Chabrol et sa chère province.
Claude Chabrol aime la province et les bourgeois.
Ici, avec « Le Beau Serge » il n’est pas du tout question de bourgeois au contraire, Claude Chabrol s’invite dans la France d’en-bas, de très-en-bas, chez des petites gens dans un village de la Creuse.
Ah, la Creuse !
Combien de fois ce département est raillé.
Immobilier pas cher mais... pas de travail !… Déjà !
Là, nous sommes en 1959, Chabrol nous fait visiter le village en compagnie de François (Jean-Claude Brialy) et d’un jeune boulanger. Si François a gagné la capitale, le jeune boulanger est resté, il faut bien nourrir le village.
Et c’est continuer l’oeuvre familiale. Et puis c’est comme tous les autres, attachés au village, par défaut, par manque de courage, par obligation.
Ainsi, à travers ces deux personnages, Chabrol nous présente la typographie du village, ses principaux personnages comme le soi-disant beau Serge (Gérard Blain, un des enfants terribles du cinéma français), sa femme Yvonne (Michèle Méritz), source de tous ses malheurs, son beau-père et sa très jeune belle-soeur, Marie (Bernadette Lafont).
D’aucuns s’indignent sur ce triste village avec ses rues mal entretenues, ses bâtisses délaissées, pourtant, ça n’a rien d’étonnant et rien d’insultant.
Chabrol ne fait que traduire une réalité.
Comme il ne fait que traduire une mentalité, âpre, amère.
En effet, là où il faudrait s’indigner c’est du côté langage et comportements.
Et encore ! J’invite tout cinéphile à ne pas perdre de vue le contexte, la période.
« Le Beau Serge » c’est toute une mentalité d’une France profonde de 1959 dans un petit village de la Creuse.
Sans hésitation, c’est un film cruel, aigre et un tantinet masochiste et christique !
Oui christique avec la motivation de François, motivation que je n’ai pas bien saisie ; je partage l’étonnement du curé du village qui lui dit : « Tu te prends pour Jésus Christ ».
Chabrol en fait un jeune homme culpabilisé d’être monté à la capitale abandonnant ses amis dont le soi-disant beau Serge ; il est dépressif et veut se racheter.
De quoi ? De qui ?
Ainsi, François tel Jésus Christ porte sa croix et la traîne en la personne de Serge totalement ivre, sous la neige, et dans un froid glacial pour le conduire à Yvonne qui s’apprête à accoucher.
Bref, pour moi, « Le Beau Serge » est un film peu aimable et audacieux.
Oui, audacieux d’une certaine façon pour l’authenticité et la rusticité d’une époque dans un village du fond de la France, en 1959.