Le 2 août 1944, le colonel allemand von Waldheim (Paul SCOFIELD, britannique), grand amateur d’art (même dégénéré selon le IIIe Reich), décide de faire transférer les tableaux (Renoir, Gauguin, Matisse, Braque, Seurat, Picasso) du musée du Jeu de Paume en Allemagne. Des cheminots résistants dont le chef est Paul Labiche (Burt LANCASTER et dont c‘est la 4e collaboration avec le réalisateur) décident de tout faire pour que le train affrété pour le transport des tableaux n’arrive pas en Allemagne. Le réalisateur a pris le parti du noir et blanc, probablement pour donner un aspect documentaire et historique et rendre hommage à « La bataille du rail » (1946) de René Clément, tourné principalement en Bretagne. Il montre l’ingéniosité des cheminots
qui réussissent en faire tourner en rond le train en remplaçant le nom des vraies gares
. Même s’il s’agit d’une convention au cinéma, il est étonnant d’entendre parler anglais de la part des Allemands et surtout des acteurs français (Suzanne FLON, Michel SIMON, Albert RÉMY, Jeanne MOREAU, Jacques MARIN) avec leur accent. De nos jours, pour plus de réalisme, chacun parlerait dans sa langue avec des sous-titres. Le point de départ est bien réel et s’inspire du livre, « Le front de l’art : défense des collections françaises » (1945) de Rose Valland (1898-1980), conservatrice du musée du Jeu de Paume et interprétée par Suzanne Flon, personnage qui sera repris dans « Monuments men » (2014) de George Clooney, sous les trait de Cate Blanchett (et où il s’agit d’Américains chargés de récupérer des œuvres d’art dérobées par les Nazis en Belgique). Son rôle est comparable à celui de Jacques Jaujard (1895-1967) et qui a sauvegardé des œuvres du musée du Louvre, lui aussi évoqué au cinéma dans « Francofonia » (2015) d’Alexandre Sokourov. Même si cela n’est pas nouveau, le film montre bien l’absurdité de la guerre, ses atrocités (cheminots et otages fusillés), notamment lors de débâcle de l’armée occupante, l’égoïsme des hommes (qui, selon Christine, jouée par Jeanne Moreau, jouent les héros et que pleurent ensuite les femmes), l’aspect vain de certaines actions (tant de morts pour des objets, certes des œuvres qui appartiennent au patrimoine national et mondial) et la vanité de certains comportements (cf. entêtement du colonel qui veut s’emparer des tableaux et s’opposer, coute que coute, à Paul Labiche, qu’il méprise car incapable d’apprécier l’art). Le film n’est pas exempt d’imperfections : Paul Labiche quitte son hôtel à 19h pour conduire le train et il fait nuit (au mois d’août !). Idem pour la scène finale tournée près d’Acquigny (Eure) mais en hiver (les arbres feuillus n’ont plus de feuilles), probablement pour des raisons de planning de tournage.