Derrière son titre rebutant, ce film intimiste nous présente à la fois une vision très intelligente de la situation d'une femme seule aux difficultés financières dans une société machiste et matérialiste et une histoire touchante construite autour de ses relations particulièrement émouvantes qu’elle a avec ses deux filles, l'une rebelle et l'autre plus timide. C’est bien ce personnage tragicomique, magnifiquement interprétée par Joanne Woodward, la femme de Paul Newman qu'il met parfaitement en avant, nous dévoilant ainsi toute la sensibilité de sa mise en scène.
Le titre est une métaphore de l'impact qu'a l'attitude d'une mère de famille américaine, un peu déséquilibrée par une vie trop dure, sur la personnalité de chacune de ses deux filles. Alors que l'ainée, qui a subi de plein fouet et pendant trop lomptemps les frasques de sa mère, en sort affaiblie, la plus jeune, qui a réussi à se garder un espace de liberté dans l'univers tendu et incohérent qui l'entoure, tire bénéfice de cette épreuve en devenant un petit génie en science nat. La propre fille de Newman et Woodward joue le rôle de la cadette et le ton de sa voix, lors du concours scolaire qu'elle remporte, reflète le courage et l'obstination de qui veut se sortir d'un univers très hostile. La mise en scène de Newman, feutrée, très proche des personnages (à l'instar d'un Cassavetes), permet de rendre une vraie profondeur psychologique et de décrire sans complaisance un milieu social à la dérive.
Paul Newman signe ici un très beau film sur la dureté et la déchéance d'une femme élevant seule ses deux filles dans une banlieue américaine. Le rôle principal de cette femme écorchée par la vie est tenu par sa femme Joanne Woodward qui réussie la prouesse de se glisser dans un personnage extrême, plein de colère par rapport à la vie qui l'a tant maltraité. Cependant, le film est loin d'être entièrement négatif : malgré la maladie qui frappe la sœur ainée, la cadette poursuit ses études. Un très beau film qui fait un peu penser à ceux que réalisa Ken Loach.
Comme son contemporain Robert Redford, Newman préfère casser son image glamour de séducteur en filmant des personnages écorchés en proie au doute et à la névrose dans des productions éloignées du confort narratif et visuel hollywoodien. Le charme fou qu'exerce cette adaptation d'un roman se poursuit bien après la projection. Newman prend le temps de filmer les petits moments de l'existence et les bizarreries du quotidien (désopilante séquence d'une voisine entrevue par la fenêtre et que l'on croit morte alors qu'elle s'est assoupie). Portrait d'une enfant déchue ? Cette œuvre s'inscrit en fait dans la lignée d'un certain cinéma de la femme américaine des seventies : en passant de la transe à l'hystérie, sans céder aux sirènes du cabotinage Actor's studio, Woodward compose un personnage proche de celui d'Ellen Burstyn dans ''Alice n'est plus ici'' ou surtout de Gena Rowlands dans ''Une femme sous influence''.