Avis sur La Barrière

Il y a de vraies fulgurances de cinéma, une généreuse excentricité, un lyrisme ainsi qu'une véritable musicalité dans la réalisation mais aussi un manque d'aboutissement formel et structural due à un scénario sans queue ni tête et un certain penchant pour la complaisance du procédé qui tue. Les images du film de Jerzy Skolimowski agissent à la manière de tableaux hypnotiques, redoutables car sidérants, d'une lumière bouillonnante et contrastée, accompagnées d'une musique superbe et décalée évoquant les compositions d'Ennio Morricone. On pense à l'Oeuvre godardienne dans la manière originale de dynamiter la grammaire et les codes du cinéma, Skolimowski jouant en permanence sur les associations d'idées et l'éclatement du récit. Inégal car délibérément composite, La Barrière est un film qui souffre de son aspect digressif et systématiquement composé de plan en plan, s'enfermant parfois dans une forme qui se doit d'être originale à tout prix. Comme tous les films hors-norme La Barrière de Skolimowski se montre digne d'intérêts mais aussi très hermétique dans son agencement, foisonnant d'idées de mise en scène mais trop bancal sur le plan scénaristique. C'est peut-être le prix à payer pour l'extravagance, même si le talent de Skolimowski n'est aujourd'hui plus à prouver...

Un film entre absurde, onirisme et allégorie, un peu comparable au théâtre moderne, qui évoque le traumatisme indélébile de la guerre et les impostures de la paix en Pologne. Et aussi les découvertes, les ruptures et les remises en cause de la jeunesse. C’est déconcertant et hermétique, comme presque toujours avec Skolimowski. Ça serait aussi ennuyeux sans la grâce poétique, la fluidité, le talent hors du commun du réalisateur pour jouer avec le signifié des images, à l’égal des très grands peintres. Cet art très personnel fait que « La barrière » reste parfaitement visible malgré tout ce qu’il a de daté. On a l’impression d’être le spectateur d’un sens du cinéma révolu.

Un cinéma qui dynamite l'espace de façon systématique. Ici, pas de trame narrative mais la mise en scène de revendications pour la jeunesse polonaise sous la forme la plus moderne (montage très cut) et la plus absconse. Contemporain de "Made in USA" et de "La chinoise", "La barrière" exprime le mal-être d'une génération qui ne croit pas au modèle de société socialiste prônée par le bloc de l'Est, pas plus qu'à la société de consommation du monde occidental.
Le film de Skolimowski est visuellement maîtrisé, bien qu'expérimental, mais cette maîtrise est parfois vaine, même si elle est soulignée par une bande musicale de grande qualité. En tous les cas, une oeuvre qui ne peut laisser indifférent.