Vous avez l'intention de commander un délicieux en-cas ? Vous souhaitez envoyer un cadeau à l'un de vos proches ? Oubliez Uber Eats et Chronopost, Kiki la petite sorcière est à la tête du service de livraison le plus rapide et efficace qui existe.
Blague à part, voici une nouvelle pépite d'animation concoctée par celui qu'on ne présente plus : Hayao Miyazaki. Quatrième création du fondateur du Studio Ghibli, Kiki la petite sorcière est un conte poétique qui ne bénéficie malheureusement pas de la même notoriété que d'autres oeuvres de Miyazaki, et on se demande pourquoi. Bien que délaissée, cette histoire n'a rien à envier à Mon voisin Totoro (sorti un an plus tôt), le Château dans le ciel, etc.
Kiki, adolescente de treize ans, doit quitter son foyer pour parfaire son enseignement et devenir une sorcière. Un soir de pleine lune, elle grimpe donc sur le balai volant de sa mère, sorcière de son état, et s'embarque vers l'inconnu. Après un voyage quelque peu mouvementé, Kiki arrive dans une charmante petite ville au bord de l'océan et y débute son enseignement. Mais contrairement à ce qu'on peut penser au début du film, elle n'apprendra aucun sortilège, aucun tour de magie, aucune potion ou autre philtre. En effet, cette aventure se révèle être la quête d'une adolescente à la recherche de sa place dans le monde. Peu à peu, Kiki s'émancipe, gagne en autonomie, se fait un nouvel ami et fonde même sa propre petite entreprise, mais ses pouvoirs finissent par la rattraper et l'objet initial de son voyage aussi.
Flirtant sur ses thématiques habituelles, Miyazaki nous raconte l'histoire de cette adolescente d'une gentillesse extrême, dans un monde où tradition et modernité tentent de cohabiter tant bien que mal, et où la ville et la campagne demeurent deux univers différents. Les oppositions sont nombreuses : le progrès du ballon dirigeable contre l'ancestral balai de sorcière, la voiture des jeunes adolescents roulant à côté du vélo original de Tombo, la sagesse et l'expérience de Madame, grand-mère d'une jeune adolescente capricieuse et mal élevée. D'ailleurs, le cinéaste n'a jamais caché l'intérêt qu'il porte à la tradition et aux contes pour l'éducation des enfants. Et ce conte s'inscrit dans cet objectif, avec toutefois la réévaluation de la représentation des femmes qui est à noter ici, plus réaliste et plus fidèle aux problèmes qu'elles rencontrent dans leur vie quotidienne.
Notons l'originalité des paysages et des décors, qui s'inspirent moins du Japon traditionnel comme Miyazaki a l'habitude de le faire, mais davantage des souvenirs de voyages du cinéaste. C'est ainsi que l'on retrouve, dans la ville où Kiki s'est installée, des influences européennes (surtout autrichiennes et italiennes) inédites et appréciables.
Enfin, n'oublions pas le contexte. Nous sommes en 1989. Le studio Ghibli, fondé quatre ans plus tôt, est déjà connu grâce à deux créations (Le Tombeau des lucioles et Mon voisin Totoro) mais ne profite pas d'une situation financière suffisamment pérenne. Mais avec 2,6 millions d'entrées au Japon et les bénéfices des produits dérivés de Totoro, l'équipe reçoit le fruit de son talent et obtient des finances confortables pour lancer de nouveaux projets, que l'on connait aujourd'hui sous les noms suivants : Porco Rosso, Princesse Mononoké, ou encore, le Voyage de Chihiro.