L’histoire originale de Pietro Germi et Luciano Vincenzoni, « Signore e Signori » se déroule dans la ville de Trévise et non en Sicile comme dans les deux opus précédents (« Divorzio all’italiana » et « Sedotta e abbandonata»). Elle se compose de trois sketchs où évoluent les représentants de l’ordre moral italien, à savoir : la bourgeoisie, l’église et la police. Les liens profonds qui unissent ces représentants de la cité sont la tartufferie et l’intérêt. Lubrique et financier pour les bourgeois, uniquement financier pour l’église et carriériste pour la police, tous à l’abri d’une presse corrompue et donc inoffensive. Pietro Germi, à la franchise et aux colères célèbres, cloue au pilori pendant près de deux heures le catalyseur de ces trois turpitudes, l’hypocrisie, qui même amenée au sommet est clairement le quotidien des protagonistes égoïste, lubriques, envieux et menteurs. Le premier sketch est une farandole hystérico vulgaire de cette bande de dépravés dont il serait fastidieux d’énumérer qui baise avec qui, tellement la liste serait longue. En la résumant à « tous avec toutes » le compte devrait être bon, à une ou deux exceptions près. Si le scénario est suffisamment drôle grâce à l’apport du fameux tandem Age et Scarpelli, l’ensemble rappelle le cinéma de Federico Fellini, la perspective en moins, le cynisme mais aussi la balourdise en plus. Heureusement les deux suivants atteignent les sommets. L’histoire touchante d’un amour véritable entre le malheureux Gastone Moschin et la sublime Virna Lisi, que les trois tenants de l’ordre moral s’efforceront de réduire à néant, pour être certain de ne pas sortir de la fange, du stupre, du mensonge et de la corruption au profit de la beauté et du véritable. Non mais ! C’est clairement le moins drôle des trois, mais c’est certainement le plus douloureux. Enfin dans le dernier, chacun des membres du groupe de salauds va profiter à son tour d’une candide paysanne de 15 ans !!!! Pas de chance, le juge, malgré la « compréhension » de l’église, et à l’opposé du pronostique des avocats, est bien décidé à les envoyer devant le tribunal pour détournement de mineure. Mais grâce à l’argent, dont quelques millions finiront dans les caisses de l’orphelinat catholique, tout est bien qui finit bien. Le plus drôle, mais aussi le plus abject des trois.
En exceptant Gastone Moschin, Virna Lisi et Aldo Puglisi, le casting se composait d’acteurs peu connus. Néanmoins la direction précise du cinéaste amène l’ensemble au niveau souhaité. Malgré ce premier sketch un peu raté, les deux suivants méritent largement d’être visionnés. Palme d’or du festival de Cannes, ex-aequo avec « Un homme et une femme » de Claude Lelouch, sous les huées de critiques peu lucides. « Excusez-moi de vous avoir fait rire... » leur répliqua Pietro Germi.