« Le fantôme de la liberté » reprend le principe développé dans « La ronde » par Max Ophüls, un personnage d’une scène mène à la scène suivante, amenant de facto une construction de films à sketchs. Ainsi, comme « La voie lactée », « Le fantôme » souffre du même problème de cohérence, même s’il bénéficie d’un discours plus clair et d’une mise en scène nettement plus inspirée. La première séquence qui s’ouvre sur une tableau de Goya (« 3 mais 1808 ») est un réquisitoire contre le franquisme et les dictatures d’Amérique du Sud qui à cette époque étaient considérés comme bien pire que Staline, Mao où les Khmers rouges, dont le cinéma dit de gôche à l’humanisme orienté, accompagné par les critiques cinématographiques du même tabac, n’ont jamais fait la moindre allusion. Ainsi, d’emblée le film a bénéficié d’un a priori très favorable qui perdure de nos jours. Mais en tout état de cause, deux sketchs sont très brillants. Celui des moines joueurs de poker avec Michael Lonsdale génial, et celui de la petite fille, le satyre et le double préfet (Julien Bertheau et Michel Piccoli). Ils déclenchent à la fois l’hilarité et une profonde réflexion dans l’absurde et une tendance à la paranoïa, qui n’a fait qu’empirer de nos jours avec le développement des médias et réseaux sociaux. Malheureusement quelques dénonciations ont la légèreté d’un diplodocus dans un champ de pâquerettes. Par exemple, celle de la société de consommation et ses toilettes en guise de siège dans la salle à manger, semble plus proche de la dénonciation outrancière selon Bertrand Blier avec le très moyen « Calmos », que celle tout en finesse et pertinence d’un Jacques Tati dans des chef d’œuvres tel que « Mon Oncle », « Playtime » ou « Trafic ». Et c’est bien tout le problème de ce film inégal. En se voulant plus mordant « Que le charme discret de la bourgeoisie », le réalisateur en a perdu son liant et sa magie. Avec la volonté d’améliorer la sauce habituelle (critique de la bourgeoisie, de l’ordre, des convenances et de l’église) au sein de son schéma favori : la répétition, le réalisateur semble avoir trié le résultat et, par là, perdu son velouté si particulier. C’est bien connu, le mieux est souvent l’ennemi du bien.