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    Série noire
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Série noire" et de son tournage !

    L'adaptation d'un roman de Jim Thompson

    Série noire est l'adaptation pour le grand écran d'un roman de Jim Thompson intitulé Hell of a woman et paru dans la fameuse série de romans "Série noire", sous le titre Des cliques et des cloaques. Le long métrage est réalisé par Alain Corneau, celui-ci agissant également en tant que scénariste en compagnie de Georges Perec.

    Le film d'une vie

    Série noire (1979) est le quatrième long métrage d'Alain Corneau. Le réalisateur, qui avait à l'époque acquis une certaine reconnaissance dans le milieu après les succès commerciaux estimables de Police Python 357 (1977) et La Menace (id.), désirait faire un film dans la veine réaliste du Mean Streets de Martin Scorsese, sans musique (mais avec des tubes de l'époque), tourné dans des décors réels (la grisaille de Saint-Maur-des-Fossés en banlieue parisienne) et avec des acteurs extrêmement impliqués. Cerise sur le gâteau : il ne voulait pas faire le long métrage sans Patrick Dewaere dans la peau du personnage principal. C'est d'ailleurs à cet acteur qu'il a pensé tout au long du processus d'écriture de Série noire. 

    Les deux hommes ont commencé par se rencontrer pour parler du projet dans un bistrot. Dewaere s'est alors jeté sur le scénario et a contacté Corneau le soir même, à deux heures du matin précisément, pour lui dire qu'il voulait absolument le rôle. Il s'agit en effet du projet que la tête d'affiche de Coup de tête attendait depuis toujours, du fait de sa parfaite adéquation entre le cinéma de genre et d'auteur, mais surtout à cause du personnage de Frank, un écorché vif comme lui. Pendant les semaines précédant le tournage, le comédien n'a eu de cesse de parler du film et de son rôle, que ce soit à son entourage ou aux journalistes. Preuve de cette obsession : il vola un imperméable gris dans le Tati de Barbès alors qu'il se promenait dans le célèbre quartier parisien, pensant qu'il serait parfait pour habiller le personnage.

    Jim Thompson : le maître du cinéma noir

    Série noire n'est pas la seule adaptation cinématograpique d'une oeuvre de Jim Thompson, spécialiste du roman noir. L'Américain, qui fut l'un des scénaristes des Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick a pu voir transposés sur grand écran certain de ses écrits : Le Guet-apens de Sam Peckinpah, le remake de Roger Donaldson, Les Arnaqueurs de Stephen Frears ou encore le Coup de torchon de Bertrand Tavernier sont tous adaptés d'oeuvres de Thompson.

    Une adaptation difficile

    Adapter le roman de Jim Thompson pour le grand écran posa de nombreux problèmes à Alain Corneau et Georges Perec. Les deux hommes durent réduire l'imposant récit du romancier pour un traitement cinématographique, puis s'employèrent à écrire une histoire adaptée au mode de vie français.

    Trois versions du scénario furent envoyées au comédien Patrick Dewaere, choix initial d'Alain Corneau pour le premier rôle du film, qui accepta immédiatement de participer au projet.

    L'hommage de Bertrand Tavernier

    Le cinéaste Bertrand Tavernier ne tarit pas d'éloges sur le Série noire d'Alain Corneau. Dans un entretien accordé au magazine Le Point, celui qui a déjà adapté une oeuvre de Jim Thompson avec Coup de torchon explique : "Difficile de trouver les mots, les phrases exactes pour décrire ce que l'on ressent physiquement après Série noire, tant on en sort épuisé, lessivé... Comme si l'on avait réellement participé à tout ce qui vient de se dérouler sur l'écran. Comme si l'on avait vraiment mené avec Patrick Dewaere, en même temps que lui, cette course haletante qui, par son lyrisme du sordide, sa poésie du dérisoire, renvoie directement à la fuite vertigineuse de Richard Widmark dans Les Forbans de la nuit... Mêmes personnages fantomatiques, étrangers à ce qui les entoure, prisonniers de leurs rêves, même angoisse métaphysique."

    Un investissement hors normes

    Sur le tournage, Dewaere était comme possédé et semblait ne faire qu'un avec Frank. Il n'hésitait pas à utiliser ses souffrances les plus profondes pour "donner vie" au personnage, confondant ainsi de manière permanente réalité et fiction (cet investissement hors normes lui a même fait perdre dix kilos en quelques semaines). En témoigne par exemple la fameuse scène où il se cogne la tête contre le capot d'une voiture : si elle apparaît comme étant tellement vraie, c'est parce que Dewaere s'est réellement frappé le visage contre le véhicule. L'acteur avait dit au réalisateur : "Soyez prêts parce qu'il ne faut pas que je la refasse trop...", alors qu'il faisait moins quinze degrés dans ce terrain vague, le matin où la scène a été mise en boîte (source : "Patrick Dewaere, une vie" de Christophe Carrière).

    La séquence où Frank tue sa femme (interprétée par Myriam Boyer, une actrice avec qui il s'entendait très bien) de manière très violente a été elle aussi extrêmement dure à faire. Après la scène, Dewaere est rentré chez lui, dans un état second. Des amis lui ont alors demandé ce qui n'allait pas, faisant ainsi exploser l'acteur qui a hurlé : "Mais vous vous rendez compte qu'aujourd'hui j'ai tué quelqu'un ? Ce n'est pas rien de tuer quelqu'un !" (source : id.).

    Film culte

    Au final, Série noire a fait 890 578 entrées lors de sa sortie en salles, ce qui est un joli score compte tenu de la nature du film, mais a surtout marqué le paysage cinématographique français pour plusieurs raisons : sa noirceur extrême, son pessimisme sans appel et son style documentaire faisant penser aux meilleurs films du Nouvel Hollywood (Corneau a d'ailleurs filmé avec deux voire trois caméras pour tout capter, ce qui était quelque chose de rare à l'époque). Mais le long métrage n'aurait pas été à ce point une réussite sans Dewaere dans le rôle principal. De par son engagement sans limites, l'acteur a livré une performance qui fait froid dans le dos et qui restera à jamais gravée dans les annales.

    Du festival de Cannes aux Oscars

    Série noire fut présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 1979. L'année suivante, le long métrage fut nommé aux César dans cinq catégories : Meilleur acteur pour Patrick Dewaere, Meilleur acteur dans un second rôle pour Bernard Blier, Meilleure actrice dans un second rôle pour Myriam Boyer, Meilleur scénario original ou adaptation pour Alain Corneau et Georges Perec et Meilleur montage pour Thierry Derocles. Le film ne décrocha pas une seule récompense.

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