Avec "City Girl", Murnau reprend les bases thématiques de "Sunrise", à savoir : l'amour, le pardon mais surtout tout un jeu sur les oppositions, dont le point d'orgue est celle entre la ville et la campagne.
Cependant, le cinéaste allemand semble avoir pris conscience des erreurs de son long-métrage précédant, qui était déjà un choc esthétique et émotionnel en ce qui me concerne, afin d'offrir une oeuvre qui la surclasse en terme de beauté, de lyrisme et d'émotions.
Le récit, d'un romantisme absolu, suit le chemin inverse de "Sunrise", narrant la naissance d'un amour à la ville avant de retourner à la campagne.
Toutefois, je trouve le traitement de cette opposition bien plus intéressant ici, car si Murnau conserve le côté mécanique et déshumanisé de la ville (l'oiseau de Kate) il parvient à ne pas enjoliver outre mesure la campagne et propose un portrait plus nuancé, dans son propos, mais aussi dans sa représentation : ici la nonchalance des citadins fait face à la brutalité des paysans, et le gigantisme de la ville renforce d'avantage l'intime de la campagne.
Et on en arrive à ce qui bouleverse tant : l'histoire d'amour.
Si celle de "Sunrise" était déchirante dès sa première partie, elle commence ici comme une bluette magnifiée par la mise en scène de Murnau qui parvient encore à capter les regards et les gestes, d'une maladresse attendrissante en ce qui concerne Lem, parvenant à faire naître l'amour par la seul force de l'image.
Ainsi, ce couple j'y crois, il sonne vrai tout du long et le lien qui les uni est visible même dans les instants plus dramatique, car l'image rend leur désir palpable.
Puis il y a la rencontre avec les parents de Lem, et là commence le tragique, le père faisant tout pour mettre fin à cette relation.
Et je crois que ce film renforce l'opinion que j'avais des Moissons du Ciel" de Malick, qui emprunte énormément au long-métrage de Murnau, car si les points communs sont évidents : splendeur de la mise en scène lors des scènes de moissons, travail pictural impressionnant, amour mis à mal et, de façon plus mineur ici, le traitement des ouvriers, ou bien la mère pleine de douceur et le père castrateur que l'on retrouvera dans "Tree of Life" tout est ici infiniment plus touchant et empathique car Murnau sait faire surgir la beauté (Ce que Malick sait faire aussi, attention) en quelques plans.
Alors on peut reprocher au cinéaste une mise en scène moins inventive et novatrice que pour "Sunrise".
Mais ce manque d'audace ne diminue en rien la force visuelle et émotionnelle de "City Girl", dont la magnificence picturale et l'intelligence de la mise en scène crée du beau à chaque plan dont découlent des sentiments brutes qui bouleversent immédiatement.
De plus, Murnau propose une oeuvre qui, contrairement à son ainé, n'a pas de "gras", il n'y a pas une scène, un plan, où je me suis fais la remarque que cela aurait-pu être retiré, c'est très homogène et aucun n'en surplombe un autre.