Régulièrement adaptée au cinéma, la célèbre mutinerie du Bounty a fait l’objet de ce film de 1962, célèbre pour sa production faste et chaotique. Un budget démentiel qui explosa en cours de route pour arriver à près de 20 millions de dollars (!). Un tournage sur place, à Tahiti. Une réplique fonctionnelle du HMS Bounty construite pour les besoins du film, qui navigua elle-aussi vers Tahiti. Le réalisateur initial, Carol Reed, débarqué en cours de route. Mais surtout, Marlon Brando totalement ingérable, qui imposa de nombreux caprices, et parvint à prendre le contrôle d’une grande partie de la production, tout en s’aliénant pas mal de monde. Le réalisateur Lewis Milestone dira que « c’était comme être dans un ouragan, sur un bateau sans gouvernail et sans capitaine »… Pour quels résultats cinématographiques ? Disons d’abord que les moyens énormes mis en œuvre se voient clairement à l’écran. On n’a pratiquement jamais l’impression d’être en studio, et les scènes de Tahiti sont assez impressionnantes, grâce notamment aux centaines de figurants & embarcations employés. De même, la réplique du HMS Bounty est bien exploitée, donnant une vraie puissance à certaines séquences, ce que ne pouvait faire le classique de 1935 avec ses maquettes. On appréciera aussi le rôle de l’infecte commandant Bligh, tenu par un Trevor Howard que l’on adore détester. Pour le reste, le film souffre de plusieurs défauts, qui sont d’autant plus criants quand on connait ses difficultés de production. Malgré une durée de près de 3 heures, le scénario élude beaucoup trop rapidement certains passages. En particulier,
l’absence de la manière dont Bligh regagne la civilisation est une ellipse étonnante, car elle montre tout de même que derrière le tyran, se cachait un excellent marin.
Mais le cœur du problème est Marlon Brando. On sent que l’acteur a fait pression pour que le scénario se centre avant tout sur son personnage et ses tourments. A la rigueur pourquoi pas, cependant Brando apparait en décalage complet avec l’action (et a fortiori avec les interprétations passée et future de Clark Gable et Mel Gibson). Il incarne Fletcher Christian comme un officier arrogant, cynique, et précieux, affublé à l’occasion de costumes improbables, dont on se demande ce qu’il fait dans la marine, et qui semble peu concerné par ce qui se passe sur le navire, jusqu’à la mutinerie. C’est fort dommage car le film avait un gros potentiel. A noter que « Mutiny on the Bounty » fut démoli par la critique à sa sortie, celle-ci se focalisant justement sur le rôle de Brando, et fut un naufrage au box-office. En conséquence, la carrière et l’aura de l’acteur en pâtirent sérieusement, et il faudra attendre « The Gofather » pour le voir remonter la pente.