Red Stovall sillonne les Etats du Sud en jouant de la country dans les bastringues. Fatigué et malade, il obtient une audition à Nashville, temple de la country, et décide de sy rendre accompagné de son jeune neveu. Clint Eastwood avec Honkytonk Man obtient enfin ses galons de cinéaste à part entière avec sa neuvième réalisation, un tournant dans sa carrière. Road-movie initiatique, Honkytonk Man apparaît aujourdhui comme étant sans nul doute possible, le film le plus personnel de son auteur : personnages fragiles et marginaux, la fascination réciproque dun homme et dun jeune garçon, recherche de la rédemption, un pèlerinage salvateur, une histoire de filiation, un message despoir, damour de la famille et de la musique. Derrière le destin de ce musicien de country, tuberculeux, en pleine dépression, Eastwood filme une Amérique blessée (laprès dépression des années 30) mais libre à travers les vastes plaines de lOklahoma à Nashville. On peut aujourdhui faire beaucoup de rapprochements avec les uvres du cinéaste qui suivront (notamment Un Monde Parfait, Impitoyable et Million Dollar Baby). Cependant, Eastwood prouve que les mêmes thèmes de ses films, bien que souvent revisités, ne sont jamais répétitifs. Le jeune Kyle Eastwood, devenu un excellent compositeur, est dune justesse remarquable et renforce ce thème de transmission cher à son réalisateur de père, en lui donnant la réplique. Une tragi-comédie dune sobriété exemplaire aux allures de western musical, un hommage à la country-music tout en mettant en parallèle les désillusions du rêve américain, Terre d'opportunités où n'importe qui peut devenir quelqu'un, la Terre Promise (ici devenue poussière) remise en cause après la dépression, la crise de 1929. Un drame toujours teinté dhumour, à la splendide photo, un drame intimiste (la scène de confession de Red à son neveu dans la voiture, la nuit, est bouleversante) inattendu qui a remis les pendules à lheure quant aux détracteurs du comédien-cinéaste.