Initialement réalisé pour la télévision, « À Bout Portant » ne sera jamais programmé en raison de sa violence frappante, mais le film de Don Siegel débarque dans les salles obscures sept ans avant le générationnel « Inspecteur Harry » ou le mythique Clint Eastwood et sa moumoute envoient des punchline comme Booba ne serait le faire.
« À Bout Portant » est notamment connu pour être la troisième (et dernière à ce jour) adaptation de la nouvelle « Les Tueurs » publiée en 1927 par Ernest Hemingway, qui aura fait les frais d’un court métrage de Andrei Tarkovski, et « Les Tueurs » de Robert Siodmak, aujourd’hui considéré comme le premier « film noir » et qui révèle aux yeux du monde Burt Lancaster et Ava Gardner.
Ici Don Siegel est loin des ombres des années 40, mais dans la violence, la sueur, et le suspens des années 60, marquant ainsi une grande différence esthétique avec le long métrage de Siodmak, surtout qu’en prenant le film du point du point de vue des tueurs, il respecte d’avantage le texte d’Hemingway. Au final, le résultat est autant stylisé qu’il marque de plein fouet, Siegel se montre particulièrement audacieux et offre au film un aspect brutal et sophistiqué transcendant, surtout en mettant en scène des personnages fascinant, pile au bord de l’inhumanité, tous autant qu’ils sont, une bande d’ordures inconsolables au regard terrifiant, reflété par un Lee Marvin impressionnant et au charisme intense.
Egalement très ingénieux dans son utilisation de la couleur, « À bout portant » s’illustre aussi dans une atmosphère de polar confiné totalement glaçante et morbide, entre les répliques soignée et les séquences d’un réalisme implacable, détruisant ses pions du récit un par un jusqu’au final qui ressemble à une profonde tragédie. L’enquête menée par les tueurs trouve sa place, au même titre que la richesse qu’apporte chaque séquence ou l’on trouve au choix des courses automobiles et des braquages intelligents et improbables.
La classe américaine a donc un nom, un suspens accrocheur, des acteurs dingues, et un style intemporel qui s’affirme ici comme jamais. Et malgré des longueurs, notamment dans les flashback, ce divertissement touche sa cible dans la torpeur de l’inquiétude et de l’adrénaline. Un polar grandiose.