Avec « Demonlover » Olivier Assayas abandonne son thème de la relation des destins avec le temps qui passe et les modifie. Loin du classicisme de son précédent opus, « Destinées sentimentales » sorti deux ans plus tôt, le réalisateur nous emmène dans le cyber porno sur internet. De réalité virtuelle flamboyante (même si les cyber mannequins semblent un peu primitives en 2019) aux images réelles les plus trash en passant par le hentaï (manga animé pornographique japonais) et le porno sado maso avec des êtres vivants, habillé par la musique de Sonic Youth, la branchitude vidéo clip était à redouter. Certes l’abus de gros plans (pathologique chez Assayas) et des séquences raccourcies plombent parfois la lisibilité du film. Mais les séquences d’un raffinement au sommet du design, à la fois luxueux (reconnaissons que les hôtels de luxes sont rarement meublés par but ou Ikea) froid et impersonnel, harmonisent ramage et plumage. Diane de Monx, superbe manipulatrice en chef (Connie Nielsen) appendra à ses dépends, que griller les étapes pour arriver au sommet, nécessite quelques impasses qui se vengeront tôt au tard. Entourée de la magnifique Gina Gherson (mmm), de Chloë Sevigny (surprenante) et d’un trio d’acteur de son film précèdent : Charles Berling qui s’est transformé pour le rôle, Dominique Reymond (Karen) et Jean-Baptiste Malartre (Volf, le patron), la direction d’acteur d’Assayas s’affirme de film en film, rendant crédibles tous les dialogues y compris les pièges et obstacles que représentent la culture japonaise et sa langue. Néanmoins en privilégiant l’aspect clinique et détaché, contrairement au « Strange Days » foisonnant et très physique de Kathryn Bigelow, le cinéaste nous plonge souvent dans l’ennui par absence d’implication. Si bien que même les rares fois où le ton monte, les disputes semblent incongrues et plus fatigantes que concernantes. Enfin, mal bien français : faire le plus compliqué possible pour avoir l’air plus intelligent. Œuvre visionnaire quant aux dérives d’un certain business sur la toile, de qualité inégale, parfois brillante, souvent indigeste, sauvée quelque peu par la fin aussi logique que glaçante, qui est un grand moment de cinéma.