Sorti en septembre 1946, Notorious (titre français Les enchaînés, pour une fois plus cohérent que son titre anglophone) est un film américain du britannique Alfred Hitchcock. L’histoire est celle d’une jeune femme, fille d’un nazi américain venant d’être condamné par la justice américaine, qui sera utilisée par les services secrets pour mettre à jour un réseau nazi mexicain ; sorte de Mata-Hari, elle devra alors offrir physiquement de sa personne à l’ennemi, au grand daim de l’agent américain avec qui elle partage un amour réciproque. Si l’espionnage est une trame qui a maintes fois fait les succès de Hitchcock, ici ce dernier gagne en élégance et sobriété, bien loin des nombreux effets spéciaux, cascades et autres moyens « sensationnels » de certains de ses road-movies.
Il n’en demeure pas moins un très grand et fascinant travail de l’image, et des jeux d’ombre et de lumière. La première apparition de Cary Grant, parfaitement statique, filmé dos à la lumière, en opposition à Ingrid Bergman et autres invités bien alcoolisés en pleine lumière, lui confère une aura énigmatique particulière. Hitchcock met en parallèle également très intelligemment et de façon hyper symbolisée deux autres apparitions quasi identiques du héros : lorsque vers le début du film il se trouve dans l’embrasure de la porte de la chambre de la jeune femme, celle-ci le perçoit avec sa tête de bois comme le policier ennemi qui est là pour la traquer et la perdre, alors que vers la fin, lorsqu’il se trouve de nouveau dans l’embrasure de sa nouvelle chambre conjugale, affaiblie par son empoisonnement, elle le perçoit comme celui qui vient la sauver.
Hitchcock multiplie dans ce film comme cela n’aura peut-être jamais été autant exploité dans le cinéma, même ultérieur, les perspectives de rapprochement de visage des deux acteurs principaux : face-à-face, de guingois, perpendiculaires ou parallèles, tantôt horizontaux, tantôt verticaux, ces effets participant au détournement du code Hays sur la fameuse scène du baiser (qui ne pouvait selon ledit code excéder trois secondes).
Par son traitement thématique de l’opposition amour-devoir, par le jeu formidable du duo d’acteurs, par le travail très classe, minutieux et très technique de la pellicule, Les enchaînés est un film tout à fait remarquable à maints égards.