Alors que le technicolor est un procédé parfaitement maîtrisé à l'époque, Samuel Fuller choisit le noir et blanc, donnant un aspect dramatique à certaines séquences, notamment au début, lorsque Barry Sullivan alias Griff Bonnell, marche d'un pas décidé vers le jeune voyou qui tire à tout va. Samuel Fuller démontre toute son habileté avec la caméra. il joue avec, par exemple quand il cadre le regard inébranlable de l'acteur, renforçant ainsi sa détermination. Cette scène en rappelle d'ailleurs quelques unes dans des westerns restés célèbres (Pour quelques dollars de plus, Il était une fois dans l'Ouest …). Le clin d'œil à travers le fût rayé du canon sur la belle Eve Brent, la fille de l'armurier, ou encore le face à face insolite entre Barry Sullivan et la fringante cinquantenaire Barbara Stanwyck, dans l'immense salle à manger, sont autant de séquences qui démontrent le talent et le génie inventif du cinéaste.
Cependant, mise à part la magnificence des images, le film manque parfois de rythme, l'enchaînement des différents déroulements manque de fluidité, ce qui nuit à la bonne compréhension et à l'intérêt de l'intrigue. Certaines séquences sont trop longues comme celle du cyclone, certes, magnifiquement tournée mais qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire ou bien certains dialogues qui n'ont pas trop d'utilité. D'ailleurs, autant les dix premières minutes m'ont fait une excellente impression, laissant augurer un western magique, autant la demi-heure suivante m'a laissé un grand sentiment de frustration. Quant au rôle du shérif Ned Logan, il manque d'ampleur et vire au ridicule, notamment dans la déclaration de sa flamme à la fatale Jessica Drummond, à l'heure de jeu. Heureusement, la dernière demi-heure est absolument sublime et les deux dernières chansons sont superbes.
En outre, il ne faut pas regarder ce film comme un western ordinaire, car il va bien au-delà. C'est le type même de western atypique et hors norme qui place ce spectacle dans le champ restreint des films cultes de ciné-club, où la psychologie des personnages et le jeu des acteurs transcendent le scénario au-delà de la simple aventure. Il faut donc le visionner jusqu'au bout pour se faire une idée exacte de sa réelle valeur.