Je découvre ce film rarement diffusé à la télé et il a fallu un concours de circonstance chez un ami pour voir cette petite merveille. Ayant eu l'accord de l'auteur de la pièce de théâtre, Vahé Katcha, juste avant sa mort, Christian-Jaque a pu porter à l'écran ce huis-clos qui se déroule sous l'occupation allemande en 1942. Au prétexte qu'un officier allemand a été abattu au pied d'un immeuble, un capitaine SS fait irruption dans un appartement ou sept personnes, couple et amis intimes, fêtent un anniversaire. Le SS exige de prendre deux otages par appartement de l'immeuble si l'auteur de l'attentat n'est pas retrouvé immédiatement. Sur un sujet extrêmement délicat, Christian-Jaque s'attache à nous décrire l'attitude et la réaction différente de certaines personnes face à un danger immédiat dans le climat très incertain de la domination allemande en 39-45. Lâcheté, flagornerie, flatterie, complicité, bassesse et médiocrité, tout est bon pour éviter le pire. L'acteur allemand qui incarne Kaubach, l'officier SS, manie le cynisme subversif avec un plaisir non dissimulé et une audace monstrueuse. On retrouve dans la distribution, des acteurs qui, s'ils n'ont principalement tenu que des rôles secondaires dans leur carrière, nous ont souvent divertis grâce à leur talent. Francis Blanche et ses bons mots, Claude Rich et sa désinvolture, Dominique Paturel en aveugle libertin, France Anglade en épouse charmante etc; tous ces personnages avec leur faconde naturelle et leur apparente indéfectible amitié, vont se déchirer, et leur belle entente préalable va progressivement se déliter. Jouant sur la panique des uns et la colère des autres, Christian-Jaque nous montre jusqu'à quel point la veulerie peut conduire à l'ignominie. La seule qui reste lucide est Françoise, incarnée par Antonella Lualdi. Comment une petite réunion de bourgeois affables peut dégénérer en soirée haineuse ? Ce petit bijou de film mérite une attention toute particulière car une telle situation pourrait arriver à chacun d'entre nous dans d'autres circonstances et incite à la réflexion. A noter que l'acteur allemand est remarquable dans son rôle ignoble et un tantinet sadique et Francis Blanche remporte la palme de l'indignité et de la pusillanimité. Outre l'intelligent scénario, les savoureux dialogues d'Henri Jeanson sont à délecter. Dommage que la fin soit moins percutante.