Dans la droite lignée de A.I Intelligence Artificielle, Steven Spielberg s'attaque au genre surexploité du film d'anticipation. Sauf que cette fois, le film est réussi. Il fait même partie des meilleurs films de Spielberg, à n'en pas douter.
Il y a d'ailleurs mis les moyens (comme souvent, me direz-vous), en tournant plus de 450 plans à effets spéciaux. Techniquement, Minority Report se situe dans ce qui se fait de mieux dans le cinéma moderne. La photographie sombre plane sur les multiples effets visuels époustouflants pour nous offrir un magnifique spectacle; et si les yeux s'en prennent plein la pupille, les oreilles ne sont pas plus épargnées, avec un montage sonore dantesque.
La réussite de Minority Report doit beaucoup au scénario béton, basé sur la nouvelle de Philippe Dick , grand romancier de science-fiction. L'histoire mêle subtilement toile de fond philosophique et tension policière: Un Etat s'est doté d'un système de d'anticipation des meurtres. Les assassins peuvent ainsi être arrêtés avant leur méfait accompli. Si les moyens laissent à désirer (les précogs, sortes d'extralucides maintenus constamment plongés dans un état de transe, sont les moteurs du système), les résultats sont plus que probants: depuis 2 ans, plus un meurtre n'a été commis au sein de l'Etat. Le problème est bien là: s'il arrivait ne serait-ce qu'une erreur, le Précrime serait délégitimé et désactivé. L'Etat national s'apprête à généraliser le système de "Précrime" et envoie un inspecteur tester le bon fonctionnement de l'appareil.
Le monde créé par Spielberg (ou Philippe Dick , c'est vous qui voyez) est renversant de crédibilité, à tel point qu'il atteint l'angoisse paroxysmique nécessaire à tout bon film d'anticipation: cette société pourrait bien être notre société dans 50 ans. Les données personnelles sont fichées, les publicités personnalisées envahissent notre quotidien, la police, sous couvert d'assurer la sécurité ("le crime a disparu, tout nous est donc permis, puisque ce que nous faisons est efficace"), viole toutes nos barrières intimes (scène époustouflante des araignées). Des pistes de réflexion sont lancées et bien développées par le réalisateur: le futur n'est-il qu'un? La détermination peut-elle être partielle? Efface-t-elle forcément toute notion de choix? La scène où John Anderton doit choisir entre choisir et laisser faire son "destin" est symbolique et significative du parti choisi par le réalisateur: Anderton, le justicier, se retrouve là à la place de ceux qu'il traque et juge depuis des années, il est sur le point de tuer, de fauter, d'enfreindre la loi, et ce pour une raison personnelle qui est selon lui (suffisamment?) légitime pour tuer. Quand il choisit de ne pas tuer, Spielberg choisit la vision manichéenne, qui veut que certains soient capables de faire un choix, car ils sont "meilleurs" ou plus vertueux, alors que d'autres laissent parler leurs pulsions malsaines car ils sont "mauvais". Le débat est posé, le réalisateur a choisi, et l'a très bien mis en lumière (c'est ce qui compte) après on aime ou on n'aime pas.
Ce que, en revanche, je n'aime définitivement pas, ce sont les nombreuses tournures attendues dans l'intrigue, les nombreux clichés dans les dialogues, et l'espèce de politiquement correct qui plane au générique de fin, comme si tout film devait, inexorablement, finir sur la même note. Autrement, très bon film de science-fiction, l'un des meilleurs qui soient, c'est une certitude.