Sur le papier, « Jade » affiche de beaux arguments. Un thriller érotique, genre très à la mode durant les années 90, suite au succès de « Basic Instinct ». Un budget confortable (50 millions de dollars). William Friedkin à la caméra (même s’il était aux abois à l’époque, il ne restait pas n’importe qui !). James Horner à la BO, une distribution d’enfer. Et à l’écriture, Joel Eszterhas, le scénariste de « Basic Insinct » (certes, il est aussi responsable de « Showgirls »…).
Sauf que « Jade » se fera massacrer par les critiques, et fera un énorme four au box-office. Ce n’est pas si étonnant qu’il faudra ensuite 5 ans à Friedkin pour repasser derrière la caméra.
Alors, navet or not navet ? Je dois dire que pour un film qui avait aussi mauvaise réputation, je suis agréablement surpris.
En réalité, « Jade » comporte deux travers. D’abord, les scènes de sexe, censées être au cœur de l’intrigue, sont en fait rares, expédiées, et pas très bien découpées/chorégraphiées. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que Linda Fiorentino (que l’on voit pourtant peu dévêtue) a été doublée, ce qui expliquerait en partie la chose. Mais à la limite c’est accessoire.
Le vrai souci c’est le scénario, qui aurait été beaucoup remanié, à tel point que Joel Eszterhas était prêt à le désavouer. Et on comprend pourquoi… Beaucoup de détails ne collent pas vraiment a posteriori. Les grandes intrigues ne seront qu’à moitié résolues. Et le final, qui se veut sombre, laisse un goût d’inachevé.
Néanmoins, à côté le film met en valeur ses atouts. La jolie distribution campe une belle galerie de pourris, dont les échanges sont parfois pimentés. Richard Crenna en gouverneur néfaste, accompagné d’un assistant dévoué (un jeune Holt McCallany !). Chazz Palminteri en avocat et mari salaud. Michael Biehn en flic pas très net. Linda Fiorentino en femme fatale qui fait tourner bien des têtes.
Et puis David Caruso, qui incarne un assistant du procureur et joue une partition qu’il reprendra plus ou moins pour la série « CSI Miami », ajoutant les lunettes de soleil et les Who. Il est juste très amusant de le voir débarquer sur une scène de crime sans protection, et tripoter sans gant des objets !
D’autant que la mise en scène de William Friedkin est loin d’être impersonnelle, le film ayant une vraie identité. Avec par exemple un meurtre introductif en hors champ, jouant sur le montage sonore, alors qu’un traveling nous présente tranquillement la maison du futur défunt. Ou une poursuite en voiture endiablée dans les rues de San Francisco, qui rend hommage à « Bullitt ».
Finalement, « Jade » est un polar par exempt de défauts, mais relativement plaisant à suivre.