Difficile d'appréhender Huit et demi une fois la découverte finie, difficile de lui donner un sens, de bien comprendre toutes ses pistes, réflexions et idées, difficile aussi d'y déceler toutes les obsessions de son auteur, mais quelle émotion... Et si c'était ça l'art ? Surtout de l'émotion et des sensations et Fellini l'avait très bien compris, comme c'est le cas sur chacune de ses œuvres que j'ai eu l'occasion de voir.
Dès les premières séquences où il met en scène le cauchemar de Guido, un cinéaste en cure de repos, le ton est donné et Fellini nous entraîne dans un tourbillon d'images magnifiques, mêlant, sans transition apparente, la réalité, les fantasmes ou encore l'imaginaire. Tout tourne autour d'un cinéaste soignant une dépression, s'échappant régulièrement d'un monde dans lequel il est mal à l'aise et voyant toute une galerie de personnages le réclamer, de ses amis à sa femme en passant par sa maîtresse.
Une galerie de personnages aussi intéressante que parfois fascinante, et ce qu'importe leur temps d'apparition à l'image de Luisa ou Claudia, cette dernière offrant l'une des plus belles scènes qui m'ait été donnée de voir. Fellini axe son film autour de la fuite du monde réel et, à travers son alter ego à l'écran, évoque de nombreuses images du passé où l'enfance, la religion et ses rêves sont abordés. Chaque centimètre de pellicule se révèle être d'une grande richesse et surtout émotion, où Fellini nous immerge dans la vie de ce cinéaste, partageant son intimité mais aussi ses fuites vers l'imaginaire ou son passé, trouvant toujours le bon équilibre et l'osmose parfaite entre ces univers dont la frontière est bien floue.
Tout le long de l'oeuvre, Fellini met en place une ambiance envoûtante, puissante et mélancolique, montrant une grande maîtrise derrière la caméra pour ne pas perdre le spectateur malgré sa narration particulière. Il met en scène ses propres interrogations à travers cette mise en abyme où de nombreuses âmes vont apparaître, errer et disparaître, qu'elles soient fantasmées ou non, le tout sublimé par l'extraordinaire partition de Nino Rota. Marcello Mastroianni n'est pas acteur jouant un rôle, il est Guido, et retranscrit à merveille ses névroses, son côté séducteur et l'affrontement face à ses fantômes passés tandis que Claudia Cardinale n'a peut-être jamais été aussi magnifique et inoubliable, éclipsant même les pourtant excellentes Anouk Aimée et Sandra Milo.
Une oeuvre assez difficile à appréhender et dont il est bien compliqué d'en cerner tous les contours dès la première vision mais quelle oeuvre ! Envoûtante et dont chaque seconde se révèle d'une grande émotion et richesse, Huit et demi permet à Fellini de signer l'une des plus belles œuvres d'art qu'il m'ait été donnée de voir.