Pas très connu, c'est l'un des rares films muets plutôt récents (1982) qui se permet en plus d'être l'un des tous premiers documentaires écologiques. Mais alors attention, on n'a pas affaire un à un documentaire classique. Musique omniprésente et envoûtante signée Philip Glass, absence de paroles, images de dingue et réalisation impeccable, émotion, humanité, réflexion, voilà tout ce que nous offre Godfrey Reggio en l'espace de 85 minutes. J'ai jamais vu un film pareil. En gros : un OVNI (produit par Francis Ford Coppola), une pure merveille 100% contemplative. J'ai été incroyablement immergé dans ces images, la beauté du message, des ralentis, des accélérés. Tout d'abord, avec en fond la composition incroyable de Philip Glass (que, je sens, je vais écouter en boucle pendant 15 jours et ressemble étrange au "What Had They Done" de Max Richter dans la BO de Valse avec Bachir), on a de belles images de la planète Terre. C'est poétique, c'est lent, c'est immersif au possible. Le réalisateur de génie passe en revue 3 des éléments : la terre avec ces canyons,ces étendues magnifiques, puis l'air avec les nuages en accéléré qui vont jusqu'à former comme des grandes vagues, nous amenant ainsi à l'eau, sa puissance, les ralentis sur des cascades ou des vagues. J'ose me répéter mais dès les premières secondes, on est entièrement entrés dans le film et il est quasiment impossible de s'en décrocher. Un peu comme un Gaspar Noé avec en plus un véritable message sur la vie, très puissant. Au bout d'une vingtaine de minutes, c'est l'Homme qui apparaît, en même temps que le 4e élément : le feu. Symbole de la destruction, on nous montre de quelle façon l'être humain s'est approprié les 4 éléments. Il détruit la terre en posant d'immenses pylones au coeur des paysages, en construisant des immeubles, de grandes villes à n'en plus finir. Il pollue l'air avec ses usines, l'espace avec la circulation automobile, et enfin l'eau en édifiant des barrages. Le feu est ici propre à l'Homme, par le biais des bombes, des fusées, des explosions atomiques, des réacteurs d'avion. L'être humain qui ne cesse de construire, puis de détruire ce qu'il vient de créer (explosion de bâtiments). L'Homme est ici clairement malsain, le message est alors à portée écologique, puis on nous présente les humains comme des fourmis. Le film s'accélère brutalement et on assiste pendant un long moment (une bonne demie-heure) à des scènes accélérées de la vie courante de l'être humain. La circulation dans les villes, vue de façon aussi rapide, est très impressionnante, tout comme les foules de personnes qui se déplacent et se croisent sans même se parler. Le film est percutant, on nous montre toute la technologie, les machines, la société de consommation écoeurante du mode de vie occidental. Car le film se restreint uniquement à cette partie du monde et ne tombe pas dans la comparaison pays riches / pays sous-développés. Notre vie quotidienne nous est montrée d'une façon différente et ça marque. Les images sont vraiment impressionnantes, on voit les êtres humains au coeur d'une grande fourmillière, qui fonctionne à merveille, et on se sent à la fois insignifiants et néfastes pour la planète. Mais le film ne s'arrête pas là, et se ralentit à nouveau brusquement, pendant 20 minutes on a droit à des ralentis sur des individus pris à part, leurs regards, la musique s'est également adoucie et on retrouve la magnifique composition du départ. En filmant ainsi plusieurs personnes individuellement, au milieu de la foule, le réalisateur nous rassure et nous sort de ce pessimisme dans lequel il vient de nous plonger. L'émotion est présente et il y a quelque chose d'extrêmement humain et puissant qui ressort des images, pour finir en apothéose sur cette fusée qui explose au ralenti et tournoie dans les airs... Un lourd message pour conclure le film qui nous laisse totalement sonnés et sous le choc. A voir, et certainement à revoir et revoir. Un pur chef d'oeuvre comme on n'en voit jamais. J'ai hâte de voir Powaqqatsi et Naqoyqatsi qui font partie de la trilogie des "qatsi" (qui veut dire "vie").