"La cité de la joie" est une œuvre cinématographique cosmopolite qui s’appuie sur le best-seller éponyme de Dominique Lapierre. L’auteur raconte sa découverte du quartier le plus misérable de Calcutta, partagé entre le désarroi devant cette immense pauvreté, et l’émerveillement devant la qualité de l’amitié accordée, synonyme parfois de solidarité sans faille. Devant ce potentiel énorme pour une adaptation cinématographique destinée aux émotions intenses, le réalisateur franco-britannique ne pouvait pas y renoncer. Du fait que la base est un roman, question prévisibilité on repassera. Certes le tout est romancé, en partant d’un fait tragique sur le continent américain. La goutte d’eau de trop ayant débordé pour celui qui va devenir le personnage principal, il quitte tout et se retrouve dans ce fameux quartier dont je parlais plus haut. Très vite, il va être durement confronté à cette grande pauvreté, tout en contradiction avec l’opulence dans laquelle il avait l’habitude de vivre. Et c’est ce qui va le rendre facilement repérable, devenant vite une cible privilégiée pour la pègre locale. Une agression qui va le mettre en lien avec un paysan bengali qui l’amène se faire soigner par une occidentale tenant un dispensaire. Avec ce malaise dû au décalage entre l’opulence et la misère omniprésente, l’agression est le coup de trop. C’est donc en toute logique qu’il décide de rentrer chez lui, et pour cela il doit régler ses soucis administratifs et d’argent. En attendant, il accepte de se rendre utile auprès de cette occidentale. Devant l’ampleur de la tâche et les nombreux manquements, il tente d’imposer certaines de ses valeurs occidentales. Seulement elles s'avèrent incompatibles avec la population qui l’entoure. Plus le travail avance, et plus l’équipe du dispensaire est confronté aux difficultés, d’autant plus que leur sécurité est "achetée" auprès d’un parrain vieux et malade. C'est pourquoi ce dernier, se comportant comme un pacha au nez et à la barbe des habitants, laisse la gestion à son fils, un tyran seulement intéressé par l’argent, et qui met tout en œuvre pour rentrer les recettes qu’il estime siennes. "La cité de la joie" est donc une production qui nous fait voyager sans nous montrer les fabuleux monuments de ce pays comme le font toutes les agences de voyage. Voyant ainsi l'envers du décor, ce qui ressort est l’authenticité, avec un casting cosmopolite en employant aussi des comédiens locaux. Mention spéciale à Om Puri en personnage prêt à tout sacrifier pour le bien de sa femme et ses enfants. Evidemment, un personnage aussi attachant ne peut avoir qu’une famille attachante, et assurément elle l’est. Art Malik est parfait en parrain, tellement parfait qu’on finit même par vouloir le crever de nos propres mains. Pauline Collins est très convaincante aussi en infirmière anglaise, figure emblématique du dispensaire et qui va placer sans ménagement Max face à lui-même. Quant au regretté Patrick Swayze, comme d’habitude son jeu est juste, propre et peut-être même plus abouti que dans "Ghost". Vraiment, il s’agit ici davantage d’une chronique, filmée avec la plus grande simplicité, respectant les différents personnages. Plus qu’une chronique, c’est une photographie de ce qui se passe ici et là dans les pays sous-développés ou soi-disant en voie de développement. Et en plus, Ennio Morricone a signé la bande originale. Alors si vous ne vous attendez pas à voir Calcutta comme une ville cruelle, ni aucun élément documentaire, vous pourrez entrevoir un coin de l'âme indienne, et saurez profiter pleinement de ce film profondément humain.