Attention, film très costaud... Viet and Nam s'inscrit résolument dans la veine d'Apichatpong Weeraseethakul, tant par le rythme très lent, que par le mystère de beaucoup de scènes et même la représentation sans concession de l'homosexualité.
On s'éloigne donc du très beau Mekong stories dont l'abord plus simple rendait l'expérience plus accessible.
Ici, dès la première scène, on comprend que cela va être très exigeant. Et il nous faudra beaucoup de patience pour comprendre la trame du récit.
Le film met en effet en parallèle deux faces du Viêtnam. Le passé, ses guerres, ses disparus, et le présent par le récit de ce couple de jeunes hommes cherchant à émigrer. La connexion entre les deux s'opère par le fait que l'un des deux protagonistes principaux est à la recherche de son père disparu dans les combats.
Pour évoquer cette identité duale d'une nation tout entière, le cinéaste en passe par des dispositifs extrêmement sophistiqués. Il filme en argentique. Beaucoup de plans reposent sur des compositions complexes, avec des effets de miroir ou de premier plan arrière plan. De ce point de vue, le cinéaste démontre qu'il sait tout filmer merveilleusement : des visages, des corps, des paysages, des intérieurs, des natures mortes, etc. Et il introduit des plans totalement oniriques qu'il faut surtout accepter comme tels. Ainsi voit-on ces hommes faire l'amour au fond d'une mine de charbon, ou l'un manger le cérumen qu'il trouve au fond de l'oreille de l'autre, ou toute une petite expédition en pleine forêt sauter au-dessus d'un obstacle invisible sans qu'on comprenne pourquoi, etc.
Dès lors que l'on accepte tout cela, on est porté par un récit d'une très grande ambition cherchant à mettre en images les ressorts historiques, culturels et sociaux de tout un pays. En cela, le film s'inscrit dans cette vague asiatique qui nous a donné Hu Bo, Weeraseethakul, Bi Gan, etc. Etc. Et ce, dans un contexte où le cinéma chinois post covid semble mort, tandis que le Japon s'enferme dans des chroniques sociales glaciales, les deux nations se trouvant donc relayées désormais par d'autres pays d'extrême Orient.