Devant ce film, vu en avant-première au milieu d'un public essentiellement vietnamien, je me sens mal à l'aise. Le film ne sera pas diffusé au Viêt Nam; il n'a pas eu les autorisations nécessaires. Raison officielle: donne une vue trop pessimiste du pays. Bon, le fait qu'il y a quelques scènes très... hard, n'arrange rien sans doute. Mais c'est vrai que l'image qu'il laisse d'un hameau déshérité du nord, à côté d'une mine de charbon, est cauchemardesque et ne correspond pas, bien sur, à l'image que le pays veut donner de lui même...
Je m'explique: on est en face d'un magnifique objet cinématographique. Un objet pointilliste, une oeuvre tachiste, manifestement faite pour épater un public occidental. Des scènes, brèves.... mais lentes se succèdent sans que l'on comprenne très bien où l'on est, qui y figure, quelle est le lien des unes avec les autres; petit à petit ça se met en place mais c'est coton, et, pour tout dire, pas vraiment justifié.
Cela se passe en 2001, puisqu'il y a référence faite aux attentats. Nam et Viet sont des orphelins de père. Leurs pères ont disparu pendant la guerre américaine.
Nam (Thanh Hai Pham) vit chez sa mère, Hoa (Thi Nga Nguyen) Il rêve de partir... de voir le monde ailleurs... mais en attendant, il travaille dans une mine de charbon, à 1000 mètres sous terre, avec son amant, Viet (Duy Bao Dinh Dao). D'où vient-il, Viet?
si l'on a bien compris, il a traversé un large, large fleuve dans un léger sac où il apparait recroquevillé en position foetale, ou peut être comme une larve dans sa chrysalide.
Très belle image, image onirique.... mais si une accumulation de belles images faisait un bon film, tous les grands photographes seraient caméra d'or.
Par contre, la vision de la mine, totalement obscure, c'est Zola! Enfin, non, Germinal c'est presque cosy par rapport à la mine de Nam et Viet... Quant à la cahute sordide de Hoa, c'est le moyen âge.
Si l'on a bien compris (encore), elle survit en revendant des déchets de charbon. D'ailleurs tout le hameau est sordide. Je vous recommande le coiffeur (qui est peut être aussi un réparateur de motos, et où on se fait tirer le miel des oreilles).
J'ai été dans des hameaux du Nord Viêt Nam: je n'y ai jamais vu autant de crasse.
En ces années, chacun recherchait activement les corps des soldats disparus pour pouvoir leur donner une sépulture digne. Des mediums sévissent pour aider les familles éplorées. Hoa et les deux garçons, accompagnés d'un ami et voisin, Ba (Viet Tung Le) -qui a lui même perdu un bras à la guerre- descendent au Sud, dans les champs de bataille, pour tenter de retrouver le corps du père de Nam. Déambulations dans une forêt tropicale
où Nam croit entendre la voix du disparu. Une médium, outrageusement maquillée, accompagne une famille. Apres une crise d'hystérie, elle désigne un lieu. Chacun de pelleter; la medium se jette dans le trou, gratte, ramène un peu de terre: c'est ce qui reste de la cervelle du défunt! La famille, soulagée, peut procéder à la cérémonie.
Un autre thème vient s'entremêler au récit.
Nam voudrait partir grâce à un passeur, type sympathique homme d'affaire, qui fait monter les candidats au départ dans des containers.
Cela fait référence à ce triste évènement, récent, ou quarante vietnamiens étaient ainsi morts étouffés dans un container. La dernière séquence nous montre un container, à demi immergé, dérivant sur l'océan. Très belle image encore! En refermant le diaporama (est ce vraiment autre chose??) , on se dit que Minh Quý Trương est un cinéaste doué, ça, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, mais que plutôt que de courir derrière Alain Resnais, il ferait mieux de s'inspirer de la sublime simplicité de Dang Nhat Minh..... Voilà pourquoi je suis mal à l'aise. Il me semble être passée à côté de quelque chose qui aurait pu être magnifique...