Leonardo Van Dijl voulait raconter une histoire qui offrirait une voie de sortie à Julie, en montrant comment, peu à peu, elle reprend le contrôle de son existence. Le réalisateur précise : "Sa décision de se taire introduit une énergie singulière, à la fois libératrice et rebelle, qui oblige le film à suivre son rythme, sans qu’elle cède aux pressions de la société. Au fil du récit, on découvre en Julie une héroïne contemporaine, qui met en lumière les injonctions et les injustices invisibles de notre époque. Telle Antigone, Julie ose dire « non ». Dans un monde qui la pousse à parler, elle reste muette, ce qui amène son entourage à réellement l’écouter."
"Le silence peut être une violence qui vous ronge et anéantit votre identité. En même temps, prendre la parole peut aussi vous exploser à la figure. Que faire face à ce dilemme? Confronté à la force destructrice des non-dits ou au danger de la parole publique, on risque de perdre quelque chose dans les deux cas. En fin de compte, la question existentielle que JULIE KEEPS QUIET pose, c’est : « Être ou ne pas être? »."
Leonardo van Dijl est un auteur réalisateur belge. Son court-métrage Stéphanie (2020) a été sélectionné et récompensé dans plus de 150 festivals dont Cannes, San Sébastian et Toronto.
Présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024, Julie se tait est son premier long métrage.
La majorité des acteurs sont non-professionnels. Leonardo Van Dijl a reçu beaucoup de réponses à son appel à casting et Tessa Van den Broeck s’est présentée dès le deuxième jour. Il se rappelle : "Sa joie de vivre était tellement communicative qu’on avait du mal à l’imaginer à la place de Julie. Entre la lumière qu’elle dégageait et l’ombre du mutisme de Julie, le contraste avait de quoi fendre le cœur."
"Sa vidéo d’audition nous a tirés des larmes, à ma coscénariste Ruth et moi. Et une fois qu’on a trouvé Julie, le choix des autres comédiens s’est fait facilement. On a d’ailleurs recruté plusieurs amis de Tessa et de nombreux joueurs de son club de tennis se sont retrouvés dans le film. On savait depuis le début que Tessa était douée, mais elle a vraiment crevé l’écran pendant le tournage. C’était incroyable à voir."
"J’ai remarqué que les joueurs de tennis sont de bons acteurs, parce qu’ils sont souvent très malins, avec une mémoire musculaire rapide. Ils ont l’habitude de recevoir des commentaires et de les intégrer sur le champ."
Leonardo Van Dijl a tourné Julie se tait en 35mm en collaboration avec un chef opérateur chevronné : Nicolas Karakatsanis, connu pour avoir œuvré sur Moi, Tonya, Cruella, Bullhead ou encore Dumb Money. Le cinéaste raconte : "Filmer sur pellicule n’ajoute pas simplement de la texture, ça renverse complètement la manière d’appréhender les choses. On fait place à la vulnérabilité. Avant de filmer, on pesait le pour et le contre de chaque larme, chaque soupir, chaque prise, chaque bobine."
"Il ne fallait pas en rajouter des tonnes sous prétexte que c’était un drame. Chaque élément semblait précieux. Le silence de Julie devait prendre une qualité rare, intentionnelle, intemporelle. On est même allé jusqu’à tourner la scène finale en 65 mm. On devait sentir que tout chez Julie avait une immense valeur, que son expérience était spéciale."
Leonardo Van Dijl et sa coscénariste Ruth Becquart ont voulu réintroduire de la poésie dans un sujet qui en est totalement dénué (le sport) : "Ça tient à ce qu’on qualifie en temps normal d’« ordinaire ». Julie traverse une période où elle se trouve incapable de s’aimer telle qu’elle est. En prenant conscience des petites choses de la vie et de la beauté qu’elles renferment, elle commence à renouer avec le monde. Son affection pour son chien, son sketch pour l’école, ses séances de kiné. C’étaient ces moments qui, à nos yeux, lui permettraient de se retrouver elle-même."