« Pis maintenant, écoutez-moi bien : vous allez vous tirer à la vitesse grand V puis vous descendrez à Pigalle, pas avant, parce que les poulets d’abord et les harengs après, j’en ai jusque là !»
Gas-Oil est avant tout mythique pour la rencontre entre trois grands du cinéma français qui tourneront un nombre incalculable de fois ensemble : Gilles Grangier à la réalisation compte déjà plus de deux douzaines de films à son actif, Michel Audiard à la co-scénarisation et aux dialogues également et Jean Gabin à l’interprétation entame la deuxième partie de sa carrière après avoir été, avant-guerre, une « gueule d’amour ». Grangier-Audiard, c’est 15 films, Grangier-Gabin, 12, Audiard-Gabin, 17. Les trois ensemble, 9, et non des moindres. Rarement un tel trio aura occupé le devant de la scène aussi longtemps, de 1955, ce Gas-Oil, à 1969, Sous le signe du taureau.
En 1955, toujours, Jeanne Moreau est une jeune actrice qui a déjà une certaine expérience et ne tardera pas à devenir une icône internationale ; Ginette Leclerc, riche de son prestige d’avant-guerre, continue à tourner, traînant sa démarche et sa gouaille inimitables de film en film.
On est donc face à une œuvre marquante du cinéma français.
Cette œuvre, elle est lente mais intéressante, pour la plongée dans la vie d’un chauffeur poids lourd indépendant, amant d’une institutrice que dévisagent les commères du village où elle officie. La réalisation est on ne peut plus classique, sans innovation mais sans fausse note. C’est surtout l’interprétation qui éclabousse de sa classe et nous permet de nous identifier à ce sympathique et faussement bourru Jean Chape, magistralement campé par Gabin.
Le contraste entre les truands, bien loin des gangsters habituellement sympathiques ou naïfs d’Audiard, et la petite vie simple du camionneur, avec ses problèmes simples, est assez saisissant et permet d’installer au fur et à mesure une tension qui ira crescendo.
Au final, ce Gas-Oil est une comédie très attachante où on ne rit certes pas à gorge déployée mais qui témoigne d’une certaine époque tout en se basant sur une histoire assez bien ficelée, à la gloire du Puy-de-Dôme, un peu, et des camionneurs, beaucoup.