Anthony Asquith le réalisateur de ce film fût le fils d'Herbert Asquith, premier ministre du Royaume Uni jusque pendant une partie de la première guerre mondiale. C'est un réalisateur qui a une bonne réputation dans son pays ( un prix cinématographique à pendant longtemps porté son nom). Son style de cinéma, talentueux mais un peu compassé et surtout très académique fut jugé dépassé par les cinéastes Britanniques des années 50 ( je pense à l'excellent Michael Powell) voire courtoisement moqué par les jeunes lions de la nouvelle vague ( Lindsay Anderson,
John Schlesinger, Karel Reisz et Tony Ridchardson). "Pygmalion " est une adaptation de la fameuse pièce de George Bernard Shaw, critique et écrivain Anglais qui fut couronné du prix nobel de littérature. Autant dire que la matière est de premier ordre, d'autant que le film qui date d'avant-guerre ( 1938) obtint l'oscar du meilleur scénario et que l'actrice féminine fut nominée pour le titre de meilleure interprétation. En résumé, il s'agit de l'histoire de deux intellectuels, qui font le pari de pouvoir transformer une jeune fille du prolétariat en femme de la haute bourgeoisie. Au fond, ils voient cette personne comme un moyen et non comme une fin. L'entreprise pourrait être salutaire si elle se proposait de démontrer le caractère en partie déterminé des destins humains. Mais pour ces deux intellectuels, le pari répond à une toute autre finalité. Il a pour raison d'être de montrer leur capacité d'enseigner, que ce soit un savoir, une apparence, des habitus ; mais au fond, leur sens de la hiérarchie des classes sociales, n'est pas à remettre en cause. Pour eux, la jeune prolétaire le restera au plus profond d'elle-même. Cette dernière montrera le contraire. Si la pièce est particulièrement intéressante en raison des questions quelle soulève, son traitement par Anthony Asquith autorise certaines remarques. Bien que ce film soit un des titres les plus connus du réalisateur et présente de nombreuses qualités, j'ai eu quelques petits regrets en le voyant. Asquith est ici à la mesure de sa réputation de classicisme. Malgré sa durée classique de 90 minutes, le film souffre parfois de manque de rythme. La première demi-heure tire en longueur et le manque de variété des scènes donne parfois la sensation que "Pygmalion " tourne en rond. Par contre, certaines scènes sont vraiment très réussies, ce qui donne au final l'impression de voir un film un peu déséquilibré. A titre personnel, s'il est évident que Leslie Howard est un acteur de talent, il manque sans doute de charisme. Pour la petite histoire, l'acteur que l'on voit largement dans "autant en emporte le vent ", décèdera vers la fin de la guerre dans un accident d'avion civil, celui ci ayant été pris pour cible par l'aviation allemande qui pensait que Churchill était à son bord. L'actrice principale du film Wendy Hiller est absolument remarquable et écrase de sa présence le premier rôle masculin.