Un instituteur, Nader, est affecté dans un minuscule village au milieu du désert saoudien. Il y a la charge d’apprendre à lire et à écrire à quelques gamins dépenaillés. Pour encourager l’un d’entre eux, particulièrement doué, il dessine son portrait. Le dessin arrive entre les mains de sa sœur aînée, Norah, une orpheline élevée par sa tante, qui rêve d’émancipation, mais dont l’avenir est hypothéqué par un mariage arrangé avec un jeune garçon de la tribu. Norah, au mépris des règles qui le lui interdisent, se met en tête de demander à Nader de dessiner son portrait.
L’Arabie saoudite s’ouvre lentement au monde. Elle lance une vaste campagne médiatique pour attirer les touristes, notamment sur le site d’Al Ula, au cœur du pays, près duquel "Norah" a été tourné. D’ailleurs la projection à laquelle j’ai assisté était précédée d’une publicité vantant les attraits du royaume saoudien. Les images de ce clip lêché contrastaient avec le rigorisme strict de "Norah", dont l’action se déroule en 1996. À l’époque, la séparation des sexes ne connaissait aucune dérogation : les femmes n’étaient autorisées dans l’espace public qu’à condition d’être totalement voilées, de la tête au pied. Pas question de dévoiler son visage, de conduire, encore moins de chanter ou d’être dessinée. Les choses évoluent depuis 2016 et le tournant pris par le nouvel homme fort du royaume, le prince Mohammed ben Salmane alias MBS.
"Norah" se targue d’être le premier film saoudien programmé au festival de Cannes. Il y a en effet été sélectionné dans la section « Un certain regard ». C’est un film beau et simple, qui raconte une belle et simple histoire. L’enjeu en est ce portrait de Norah que Nader va essayer de dessiner en cachette des habitants du village, avec la complicité d’un sympathique épicier indien. Le film se déroule dans quelques décors à peine : l’épicerie de Madhur, la salle de classe de Nader, la chambre de Norah, l’espace ouvert du village, battu par le vent du désert, aux airs de faux western.
"Norah" se termine par une image puissante dont le but manifeste est d’impressionner durablement le spectateur tout en lui délivrant un message libérateur. Dans le même style, on lui préfèrera "Wajda" (2012), un autre film saoudien, le premier dit-on, qui racontait l’émancipation d’une fillette qui s’était mise en tête, malgré l’interdiction qui lui était opposée, de faire du vélo.