Un dimanche à la campagne est sans doute l'un des films les plus admirable qui soit. Au travers de la journée ordinaire qu'il raconte, Tavernier arrive à parler du tragique de la vie. Monsieur Lamiral va bientôt mourir et il accueille son fils, sa compagne et leurs trois enfants dans sa maison à la campagne. On voit cette journée banale, les discussions convenues... le quotidien... mais il y a ces flashs, ces indices qui montrent bien que la mort de ce vieil homme est dans toutes les têtes.
Les moments de bonheur n'en sont pas réellement plus qu'ils ont cette épée de Damoclès planant sur eux. Ils vont mourir et M. Ladmiral en premier. Mais même les jeunes ne sont pas épargnés, on dit que la petite dernière, Mireille, ne vivra pas vieille, qu'elle mourra sans doute avant ses quinze ans. Difficile de faire plus triste lorsqu'on voit cette gamine toute sage qui fait des dessins que personne ne veut voir.
Chacun est isolé dans sa bulle, chacun vit sa vie, la communication ne se fait plus, mais la mort de M. Ladmiral est malgré tout redoutée... Il a fait son temps, ses enfants ont d'autres préoccupations, sans doute sont-ils un peu ingrats, reste que M. Ladmiral prend plaisir à voir sa fille... qu'il aimerait la voir plus.
Sa fille, Irène, aussi belle que son dynamisme est insupportable est interprétée par la sublime Sabine Azéma offre sans doute le plus bel hommage que l'on puisse faire à l'impressionnisme, à la peinture, elle amène son père dans une guinguette, l'invite à danser et redonne vie aux plus beaux tableaux de Renoir. Et là, le spectateur sent, ressent cette éphémère beauté, ce moment fugace, sans doute irréel où cette France passée, fantasmée prend vie, une dernière fois, tout comme Monsieur Ladmiral peut passer, peut-être pour la dernière fois un moment privilégié avec sa fille...
Et quel moment...
Le film est visuellement sublime, inspiré des tableaux de Monet, Renoir, voire même de Manet, il rend hommage à ce début de siècle, ce moment où tout change... où l'automobile, la photo, le téléphone se démocratisent...
Mais ce qui marque le film, se sont ces mouvements de caméras, absolument sublimes, permettant de donner une intensité grâce à ces travellings à ces situations banales... renforçant leur tragique en isolant le personnage dans le cadre... Seul, malgré ses proches à côté de lui, Monsieur Ladmiral reste définitivement seul, il ne fait plus réellement parti des préoccupations premières de ses enfants.
C'est là tout le tragique de la chose, l'histoire se répète. Les vieux restent aujourd'hui encore petit à petit délaissés par leurs enfants... leurs petits-enfants...
Mais le plus triste reste le regard du fils, Gonzague, qui regarde le dessin de sa fille et veut le partager avec son propre père, mais celui-ci n'a d'yeux que pour sa fille à lui... Il reste alors là, en plan, à caresser sa gamine... seul lui aussi... La communication est définitivement rompue.
Un film aussi beau qu'il est déchirant, où l'émotion naît dans les petites choses, les petits regards, les non-dits...
C'est d'une profonde tristesse...