Bon film de Bertrand Tavernier, adapté du roman Monsieur Ladmiral va bientôt mourir de Pierre Bost, et dont le titre dit à peu près tout : pas de message transcendant, mais seulement une peinture de la vie doublée d'une mini-réflexion sur le temps qui passe et qui emporte tout, le pire comme le meilleur, comme tout le reste. Tavernier réalise ici un tableau de la vie début XXème dans une belle propriété bourgeoise, appartenant à un vieux peintre, Monsieur Ladmiral (Louis Ducreux), qui reçoit un dimanche ses deux enfants que tout oppose : d'une part, Gonzague (Michel Aumont), la cinquantaine en mode coincée, avec sa femme fade et ses gosses assommants, d'autre part Irène (Sabine Azéma), jeune et pleine de vie, tourbillonnante, enjouée et moqueuse, tiraillée par des affaires de coeur. Un dimanche à la campagne esquisse ainsi une palette des caractères, en faisant «frotter» Irène et Gonzague, l'une reprochant à l'autre sa mollesse pantouflarde et ses conventions dépassées, l'un reprochant à l'autre son tempérament lunatique, flirtant aussi bien avec l'emportement enthousiaste qu'avec la morosité colérique de ses déboires sentimentaux, et son irresponsabilité adulescente (oui, l'auteur de ces lignes intemporelles est aussi soucieux des mots récemment entrés dans le dictionnaire de notre vieux françois pourtant bien hermétique). Comme juge et arbitre silencieux (presque sage) du croisement (bien davantage que de l'affrontement au sens strict) de ces deux trajectoires contraires, la figure du père, de l'artiste petit-bourgeois cultivé, pardonnant, à ce moment de la vie qui fait regarder derrière soi, davantage à l'impétuosité d'Irène qu'à la circonspection pusillanime de Gonzague.
En somme, toutes ces petites peintures de la vie sont assez bien vues, bien «senties» par Tavernier à travers son vieil Admiral, aux mots d'esprits et aux anecdotes savoureux, revenant aussi, au soir de sa vie, sur sa carrière de peintre, sur ses réussites et ses échecs (les mouvements en vogue qui révolutionnaient la peinture mais qu'il ne comprenait tout simplement pas...). Bref, c'est gentillet dans le fond. La forme est plus aboutie, avec de magnifiques plans de la propriété, de ses jardins et de la campagne environnante : excellente photo (d'ailleurs justement césarisée), couleurs irréprochables, une sorte de grande toile impressionniste (pointilliste même, à certains moments) d'où ne s'exhiberaient que des étincelles de soleil à travers les mille nuances végétales dont fourmille Un dimanche à la campagne. Je ne suis pas vraiment pour ce genre de cinéma, pour tout dire un peu mou, mais il faut avouer que sa beauté, son calme, sont reposants. Très bon Louis Ducreux, qui n'aura finalement fait qu'un bon film, excellente Azéma (césarisée) et un tout petit moins bon Aumont, mais ça reste satisfaisant pour les acteurs. Allez, ce n'est pas inoubliable, mais ça permet de respirer un peu, 14/20.
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