Après Mon crime, une comédie jouant sur l’ironie et l’artifice, et plusieurs adaptations (Peter von Kant, Tout s'est bien passé, etc.), François Ozon voulait revenir à l’écriture d’un scénario original, davantage ancré dans le réel. Le cinéaste explique : "On y retrouve les thèmes de la culpabilité et du meurtre, mais sur un autre ton, dans une atmosphère à la Simenon, que j’ai toujours beaucoup aimé."
"Il y a une volonté de simplicité et de douceur dans la mise en scène, traversée d’une tension et d’un suspense sur les véritables enjeux des personnages, qui sont confrontés à des cas de conscience complexes, au-delà du bien et du mal."
"Mais le désir premier était avant tout de filmer des actrices d’un certain âge. De montrer la beauté des rides sur leur visage, faites du temps qui passe et de leur expérience de la vie. Je suis effaré de voir à quel point cela disparaît de plus en plus dans la société et sur les écrans. J’avais envie, en opposition, de filmer des actrices de 70 et 80 ans qui portent leur âge et l’assument sans artifice."
Le point de départ du film provient de l'histoire personnelle de François Ozon. Lorsqu'il était enfant, une de ses tantes avait organisé un repas de famille où elle avait cuisiné des champignons, qu’elle avait elle-même ramassés. Le réalisateur se rappelle : "Pendant la nuit, tout le monde avait été très malade, sauf elle, qui n’en avait pas mangé. Cette histoire m’avait fasciné et je soupçonnais ma tante, si gentille et bienveillante, d’avoir voulu empoisonner toute la famille (ce qui était un peu mon désir profond) !"
"Plus tard, en découvrant Le Roman d’un tricheur de Guitry, j’ai évidemment repensé à elle. Quand on cuisine des champignons, est-ce qu’on n’a pas, plus ou moins consciemment, envie de se débarrasser de quelqu’un ? Je suis parti de cette question pour créer ce personnage, qui en apparence a tout de la « mamie gâteau », mais qui pourrait être plus trouble que l’image qu’elle renvoie."
François Ozon avait déjà travaillé avec Hélène Vincent et Josiane Balasko sur Grâce à Dieu, où elles jouaient déjà des mères : "Hélène Vincent n’a finalement pas eu tellement de premiers rôles au cinéma. C’est une grande actrice, qui peut exprimer à la fois la dureté et une grande tendresse. Elle a une beauté quotidienne, fascinante à regarder. Elle s’est complètement glissée dans son personnage."
"Coïncidence, elle vit en Bourgogne, pas très loin de là où nous avons tourné. Quant à Josiane Balasko, elle arrive à incarner la culpabilité, qui mine Marie-Claude, et son train de vie plus modeste, rien qu’à sa démarche, son corps et son visage qui dégagent une humanité très forte. Pierre Lottin, qui joue Vincent, avait aussi un petit rôle dans Grâce à Dieu", raconte le metteur en scène.
François Ozon a voulu inscrire cette histoire intime en Bourgogne, une région qu'il aime et où il a passé ses vacances lorsqu'il était enfant. Le réalisateur a tourné à Donzy, près de Cosne sur Loire, une région peu filmée. Il se rappelle : "Après des films citadins, c’était bien de filmer le calme de cette campagne, revenir à la source d’une partie de mon enfance. Le film raconte l’automne de la vie mais aussi la beauté automnale de ces paysages."
"Le rythme des saisons, la nature sont très présents dans les couleurs, la lumière, les sons, dans le bruit de l’eau des canaux. Le film commence et finit en automne, dans la forêt. De manière métaphorique, Michèle se fond dans la nature, entourée de fougères, et revient à la terre, comme un champignon. C’est le cycle de la vie."
Pour composer la bande-originale de Quand vient l'automne, François Ozon a fait appel à Sacha et Evgueni Galperine, qui avaient déjà œuvré sur Grâce à Dieu. Le metteur en scène se souvient : "Avant le tournage, je leur ai donné le scénario à lire en leur demandant une musique atmosphérique et assez ténue, qui crée une tension souterraine, inconsciente. Sans voir aucune image, ils ont composé un thème au piano que j’ai trouvé très beau, sur lequel ils ont ajouté un bruitage de feuilles qui tombent."
"Ce morceau nous a guidé au montage et dans la création des autres thèmes. Pour la scène dans le bar de Vincent, la chanson Aimons-nous vivants de François Valéry, m’a semblé emblématique de l’esprit du film qui, au-delà des circonstances, montre avant tout la force des liens et les capacités de résilience et de survie de Michelle."
François Ozon retrouve également Ludivine Sagnier, plus de 20 ans après Swimming Pool. "Ce fut émouvant et un grand plaisir de se retrouver et de la filmer dans ce rôle de femme de 40 ans, fragile et agressive qui porte sa souffrance comme un fardeau", précise-t-il.
Dans Quand vient l'automne, François Ozon a choisi de matérialiser le fantôme de Valérie (Ludivine Sagnier). Ce n'est pas une première pour le cinéaste, qui a toujours aimé mettre en scène des fantômes, comme celui de Bruno Cremer dans Sous le sable : "On vit avec ses fantômes, surtout quand on vieillit. Et puis à partir du moment où le film se raconte du point de vue de Michèle, il me semblait important d’incarner physiquement ce doute de devenir sénile et de montrer littéralement cette culpabilité qui l’effleure, à travers la présence fantomatique de sa fille."
"Je voulais créer une étrangeté un peu effrayante, une sorte de tension psychologique. Qu’est-ce que ce fantôme va l’amener à faire ou à dire ? Finalement, ce fantôme l’aide, il a presque une fonction thérapeutique. Valérie continue à vivre en Michèle, mais peut-être dans une version plus douce. Michèle arrive mieux à parler à ce fantôme qu’à sa fille de son vivant. Il fait partie du processus de reconstruction et de survie de Michèle, il lui permet d’avouer qu’elle se sent soulagée que Valérie soit partie. A la fin, on sent une forme de réconciliation entre la mère et le fantôme de sa fille."