Joseph exploite la bergerie qu’il a héritée de son père. Sa localisation en bord de mer suscite bien des convoitises. Au milieu des splendides résidences balnéaires avec vue sur mer, Joseph fait figure de dernier des Mohicans. Il reçoit d’un caïd de la mafia une offre qu’il ne peut pas refuser, même si l’abandon de sa bergerie et sa reconversion forcée lui sont insupportables. L’altercation entre les deux hommes tourne mal. Un coup de feu part. Joseph doit prendre le maquis, poursuivi à la fois par les gendarmes et par la vendetta.
La Corse est décidément à la mode. Après "Borgo" en avril – dont l’héroïne vient de se voir décerner le César de la meilleure actrice, après "À son image" en septembre, après "Le Royaume" en novembre, voici à nouveau un film tourné sur l’Île de beauté. Les acteurs non professionnels qu’on y voit, avec leur trogne pas possible et leur accent inimitable, sont d’ailleurs pour certains les mêmes, qui circulent de film en film. Carton plein pour ces films qui, sans complaisance, dressent le portrait kaléidoscopique d’une île si fière de son identité toxique.
"Le Mohican" ajoute une pierre à ce qui pourrait constituer un « portrait de la Corse en quatre chapitres ». Il montre qu’elle est l’otage d’une mafia dont la lutte pour l’indépendance est devenue la couverture d’activités lucratives : extorsion de fonds, bétonnage du littoral… Face à elle, comme dans un western hawksien, Joseph n’a rien d’autre à opposer que sa droiture taciturne. Frédéric Farrucci ne l’héroïse pas : Joseph n’est pas un surhomme. Alourdi par quelques kilos en trop, il peine à courir, au point qu’on se demande comment il réussit systématiquement à semer ses poursuivants. Ce n’est pas non plus un as de la gâchette ni un homme des montagnes capable de survivre avec des baies sauvages et le lait des chèvres.
"Le Mohican" pourrait se bornait à raconter cette traque. Mais il ne se limite pas à cette histoire-là. Parallèlement s’en tisse une autre. L’initiative en revient à Vanina, la nièce de Joseph. La pinzutu, émigrée sur le continent, revenue en Corse pour les vacances, va reprendre la bergerie de son oncle et y assurer une continuité sans laquelle elle serait tombée aux mains des promoteurs. Surtout, elle va lancer sur les réseaux sociaux une légende, comme l’une de celles qui circulaient au Far West : la légende du dernier des Mohicans qui résiste, seul, face à la mafia et à l’omerta.
Porté par un Alexis Manenti, qui trouve enfin un rôle à sa mesure en haut de l’affiche, écrit avec un tempo soutenu qui maintient l’attention, "Le Mohican" est une réussite dont le seul handicap est la comparaison avec les films corses remarquables qui l’ont précédé.