J'avais une certaine impatience à voir la nouvelle création de Mari Okada, seule scénariste japonaise connue du grand public, d'autant plus que ces dernières années, elle s'est mise à la réalisation.
La B-A, particulièrement singulière et qui prends au tripes donnait une idée du produit fini.
En 1991, l'aciérie de la ville de Mifuse explose. Un phénomène surnaturel se produit : la ville et ses habitants sont figés dans le temps.
Nous suivons le quotidien de Masamune Kikuiri, jeune collégien qui essaye de vivre dans un monde sans futur ni espoir.
Dès le synopsis, l'autrice Mari Okada frappe fort. D'ailleurs l'élément surnaturel a été "intégré" par les habitants et plus personne ne fait attention aux fumées en forme de loup qui referment les fissures dans le ciel.
C'est au passage d'une conversation banale que le spectateur découvre la vérité : quand un adulte dit au héros "tu n'es encore qu'un enfant" et que celui réponds : "cela fait longtemps que je n'en suis plus un, sans jamais pouvoir devenir un adulte".
Le film se permet de suggérer des éléments de l'intrigue sans avoir à les marteler ou avoir de longs dialogues expliquant chaque fait de manière détaillée. Synonyme du respect de l'intelligence du spectateur de la part de son autrice.
L'histoire tourne autour des sentiments naissants entre les ados, dans un monde figé et où tout changement est prohibé.
L'amour, les sentiments devenant une échappatoire à ce monde absurde tout en étant la transgression d'un tabou, une volonté de percer un abcès d'une société arcboutée sur son passé et incapable de laisser sa place à la liberté, la création (le héros veux devenir dessinateur), l'imagination et le désir d'un monde meilleur.
La situation se complexifie avec la découverte d'une enfant sauvage dans l'aciérie, enfermée par les autorités, qui imaginent qu'elle peut les aider à revenir à la normale. Mais cette jeune fille va déclencher des évènements, d'abord entre le héros et sa camarade de classe Atsumi Sagami, une tsundere qui l'obsède.
Un des choix artistique majeurs du film sur lequel Okada a insisté est que les sentiments amoureux ne sont pas des clichés fleur bleu pompés sur les shōjo, mais des sentiments contradictoires, douloureux qui percutent leur vie et les fait prendre des décisions irréfléchies.
Une des grandes qualités du film est qu'elle possède un deuxième niveau de lecture.
L'image d'une vieille usine qui disparait dans une explosion annonçant la fin d'un ère, au début des années 90, est la métaphore de la crise économique de 1992, dont le Japon n'a jamais su se relever depuis 30 ans.
Le fait que cette ville soit figée dans le temps, est aussi une critique à une société japonaise incapable de se renouveler, ancrée dans des traditions d'un autre temps, dans une pression sociale d'un autre âge, dans une rigidité et un moule social anachronique qui brise les individus.
Mari Okada sait de quoi elle parle, elle-même ayant été victime de ce phénomène durant sa scolarité.
Le message du film est tourné vers l'espoir, le renouveau, de laisser libre court à son audace, son imagination, se laisser submerger par ses sentiments, et profiter de la vie.
Le film marque par une animation de qualité incroyable, tant les panoramas, décors, accessoires sont reproduits avec un détail et une netteté très poussée.
Le character design signé par Yuriko Ishii (Another, Maquia - When the Promised Flower Blooms) est particulièrement réussit, rendant ces personnages immédiatement identifiables, reflet de leur personnalité.
Un film à voir, mon seul regret étant qu'il ne soit pas sortit au cinéma, tant le film l'aurait amplement mérité.