La Mélancolie est le second long métrage du cinéaste Takuya Katô, qui est principalement dramaturge et metteur en scène de théâtre. Il explique : "A l’avenir j’aimerais pouvoir continuer à mener les deux en parallèle. On pourrait peut-être dire que le point commun entre le théâtre et le cinéma est qu’ils permettent de regarder à l’intérieur d’espaces qui sont habituellement privés, auxquels on ne peut généralement pas avoir accès à moins d’y être invité. Ce sont des sentiments que l’on peut mettre en scène dans les deux arts."
"J’ai développé ce personnage sur les deux tableaux en parallèle puisque j’ai aussi écrit une pièce de théâtre dans laquelle se trouve un personnage nommé Watako. Elle est un peu différente de la Watako du film mais cela reste un personnage que j’ai mûri assez longtemps."
Dans la pièce, Watako se sent coupable de la mort de son amant, et on suppose même qu’elle l’a tué. La pièce et le film sont les deux revers d’une même histoire. Le titre japonais du film signifie « se défaire », « se démêler » et le titre de la pièce signifie « s’emmêler ». Takuya Katô précise : "A l’origine de ce projet, je me suis interrogé sur l’étymologie du mot s’emmêler. J’ai visualisé cet espace dans lequel il y a deux trajectoires qui convergent et s’entrecroisent jusqu’à ne plus pouvoir se démêler."
"La question était de savoir comment faire pour que cette situation emmêlée puisse être démêlée. Or, pour démêler les choses il faudrait pouvoir rétropédaler mais en suivant la trajectoire exacte que l’on a suivie jusqu’alors. On ne peut pas dévier d’un pas sous peine de s’emmêler à nouveau à un autre endroit."
La Mélancolie comprend plusieurs visages familiers du cinéma d’auteur japonais contemporain : Haru Kuroki (La Maison au toit rouge, Dans un jardin qu’on dirait éternel), Kanji Furutachi (Harmonium, Hospitalité), Shota Sometani (First Love) et dans le rôle principal, Mugi Kadowaki (Aristocrats). Takuya Katô confie : "J’ai vraiment choisi chaque comédien personnellement. Le fait qu’ils puissent être déjà célèbres, que leur visage soit familier ou bien qu’ils aient joué dans des films ayant circulé dans des festivals étrangers n’était absolument pas un critère."
"Le choix s’est fait sur leur jeu et leur capacité à s’épanouir à l’intérieur de mon film. C’était important pour moi que les spectateurs puissent s’identifier à eux ou bien reconnaitre des caractéristiques se trouvant chez des personnes qu’ils connaissent. C’est dans ce sens-là que je souhaitais éveiller une certaine familiarité entre les spectateurs et les acteurs."
Takuya Katô a choisi chaque lieu du tournage avec le découpage de chaque plan à l’esprit : "C’est peut-être pour cela que des décors a priori chaleureux peuvent évoquer cette notion-là. Je pense que c’est aussi lié à la fois au choix du format de l’image, au choix de l’objectif, mais aussi à la distance entre la caméra et le sujet qui est filmé. J’ai pris soin de donner l’impression que l’on est spectateur de l’intimité de cette jeune femme et des personnages en général. C’était donc important qu’on ne se trouve pas trop proche d’elle."
"C’est vrai que cela peut paraître assez froid mais j’estimais que cette distance était importante car elle devait permettre au spectateur de se poser en retour la question de ce qu’il ressent. Généralement, dès qu’il y a une émotion dans un film, la caméra à tendance à accompagner, à être de plus en plus proche de la personne qu’elle filme. J’ai justement fait en sorte de maintenir une certaine distance afin que le spectateur ait la place de se poser des questions, de se demander ce que le personnage peut bien penser."
"Le comportement des gens est quelque chose d’imprévisible, on ne peut jamais anticiper de façon certaine les choix qu’ils vont faire. Ces choix de mise en scène correspondent en quelque sorte à cet état d’esprit."
Takuya Kato est né en 1993 au Japon, dans la préfecture d’Osaka. À 17 ans, il commence à écrire pour la télévision et la radio. L’année suivante, il s’installe en Italie pour étudier la réalisation. À son retour au Japon, il fonde la compagnie de théâtre Takumi, au sein de laquelle il écrit et met en scène une vingtaine de pièces, qui lui valent plusieurs récompenses comme le Prix Kunio Kishida pour la pièce Dodo’s Free Fallen (2022).
En 2021, il écrit la série en 8 épisodes Kirei no kuni pour la télévision japonaise. Il écrit et réalise en 2022 son premier long métrage, Grown-ups, avant de réaliser un an plus tard La Mélancolie.