Le tourbillon
Sébastien Lifshitz, c’est le documentariste à succès – bien mérités -, des Invisibles, Adolescentes ou de Petite fille. Cette fois, il choisit de nous faire partager 104 minutes du tourbillon qui est depuis 40 ans la vie de cette infirmière anonyme qui va nous toucher au plus profond du cœur. « Bienvenue dans ma vie », cette phrase, Sylvie Hofmann la répète à longueur de journée ou presque. Sylvie est cadre infirmière depuis 40 ans à l’hôpital nord de Marseille. Sa vie, c’est courir. Entre les patients, sa mère, son mari et sa fille, elle consacre ses journées aux autres depuis toujours. Et si elle décidait de penser un peu à elle ? De partir à la retraite ? En a-t-elle le droit, mais surtout en a-t-elle vraiment envie ? Dans le temps d’un long métrage, ce réalisateur de génie parvient à mettre sur la table – ou à l’écran-, tous les maux de l’hôpital public français. Et ce constat terrifiant valait bien un coup de chapeau à tout le personnel soignant et à cette infirmière en particulier qui sait rester professionnelle, épouse, mère et fille en toutes circonstances.
Je pense qu’une des forces – outre le charisme de Sylvie Hofmann -, de ce documentaire, c’est qu’il ne soit pas focalisé uniquement sur l’hôpital, mais qu’on puisse entrer également dans la vie privée de notre infirmière. Ce qui nous permet de rencontrer, Micheline, la maman, qui a connu un parcours digne de Zola et qui est un pur produit de la méritocratie républicaine. Comme le tournage a duré pendant des mois, on mesure également l’impact des événements de l’actualité – fin de la pandémie, élections présidentielles, guerre en Ukraine… -, sur tout le personnel soignant. Enfin, dernière facette passionnant de ce portrait, quand Sylvie veut reprendre – enfin – le contrôle de sa vie et se construire une existence décente. 150 heures de rushes ! Pour un documentaire, on mesure combien le montage est primordial car c’est le moment où l’on structure véritablement le récit, il n’y a pas de scénario pré-existant. Et là, c’est du grand art. Sans compter que pendant toute la durée du tournage, il a fallu intégrer une équipe technique au sein du service hospitalier – un seul exemple, médecins, infirmières et aides-soignantes ont accepté d’être enregistrés en permanence grâce à des micros cachés sous leur blouse… ça aussi c’est du grand art. Mais c’est à ce prix qu’on réussit un tel tour de force et un des plus beaux portraits de femmes vus depuis longtemps au cinéma. Merci Madame Hofmann et merci Monsieur Lifshitz.