Marjane Satrapi a porté l’idée de ce film pendant plus de dix ans. La cinéaste a ensuite traversé une terrible épreuve et s'est retrouvée face à la mort. Elle se rappelle : "Alors je me suis dit : 'Vivons la vie tant qu’il y a de l’air dans nos poumons.' Ce film est donc devenu une nécessité. Je me suis rendu compte que de se laisser aller à la tristesse et au cynisme était une posture et surtout le choix de la lâcheté. Il en faut du courage pour vivre."
"Ce projet avait autre chose d’important et c’est Monica [Bellucci] qui me l’a fait remarquer. Elle m’a dit : 'Paradis Paris est un film politique parce que dans ce monde où on dit que l’on ne peut pas vivre ensemble, il affirme qu’on le peut'. Aujourd’hui, dès qu’on parle de la mixité, on parle de la religion, de la banlieue qui viendrait tout casser à Paris, etc. Alors que la mixité sociale, c’est aussi les différentes classes et les diverses cultures qui se côtoient."
"Ce Paris ouvert et international, on n’en parle presque jamais. Marchez quelques minutes dans Paris et vous entendrez une multitude de langues ! On vit dans la plus cosmopolite et la plus belle des villes. Il y a de quoi la célébrer."
Paradis Paris est un film choral et toutes les histoires qui le composent sont basées sur des histoires réelles. Marjane Satrapi note : "Un jour on a appelé la femme de mon grand-oncle pour lui annoncer qu’il était mort – un accident, 42 fractures quand même. Elle a pris la voiture, a fait Téhéran-Ispahan en 5 heures. Son mari gisait à la morgue. Quand ils ont ouvert le tiroir, il s’est soudain redressé en hurlant le nom de sa femme. Elle est tombée dans les pommes."
"La plupart des histoires ne sont pas inventées même si dans la fiction, il faut toujours s’arranger avec la vérité. Ma femme de ménage est colombienne et j’ai été aux 15 ans de sa fille dont je suis la marraine."
À la photographie, Marjane Satrapi a engagé Maxime Alexandre, un chef opérateur avec qui elle avait déjà collaboré sur The Voices et qui travaille souvent sur des films d’horreur et de genre. La réalisatrice justifie ce choix : "Maxime et moi avons le même âge, on pleure et on rit des mêmes choses et surtout on a le même sens esthétique. On est très complices et quand on s’entend bien avec quelqu’un, on le garde. Stéphane Roche est mon monteur depuis Persepolis par exemple, il connait ma grammaire. Pourquoi aller voir ailleurs ?"
"Quand je filme Paris, ni lui, ni moi n’avons envie d’enlever les échafaudages et les poubelles car ça participe aussi de sa beauté. Nous aimons le beau. Je n’ai jamais pensé que l’Art est une copie de la réalité. L’Art est une recherche de la vérité à travers le prisme de la beauté. C’est une interprétation de la réalité."
Tourner à Paris étant difficile, Marjane Satrapi a opté pour un dispositif léger : "Nous avions deux machinos, trois électros. Pas de grue. Une dolly... Par exemple, un jour où l’on tournait avec André Dussollier dans la foule, on a décidé de ne pas sortir la perche car dès que les gens voient une perche, ils savent qu’il y a un tournage. On a tourné en nous faisant oublier. En revanche, si vous voulez tout maîtriser, Paris est un enfer. Plus le temps passe, plus j’avance en âge et plus j’aime perdre le contrôle. L’inattendu est si excitant", se rappelle la réalisatrice.
Marjane Satrapi effectue un caméo dans le film, en jouant la réalisatrice d'un film d’action. Elle explique pour quelle raison : "Pour moi c’était d’abord par souci économique. Quand vous devez faire un film avec le budget que nous avions, chaque sou compte. Je n’allais pas demander à un confrère de le faire à ma place. J’en ai fait un petit personnage détestable car au cinéma les méchants et les vilains sont ceux que je préfère. Le plus incroyable c’est qu’il a suffi d’une frange pour que j’aie l’air d’une connasse !"
"On était dans la loge pour me poser la perruque et l’acteur qui joue le chef maquilleur m’a dit : ‘Marjane, tu as l’air si méchante !’. Je ne pensais pas qu’une petite frange ferait de moi une telle salope. Ça ne tient à rien !"