Adapté d’un livre de l’auteur jeunesse Michael Morpurgo (aussi connu pour ‘Cheval de guerre’, porté à l’écran par Spielberg), ‘Le royaume de Kensuké’ parvient, malgré le peu de temps qu’il dure, à faire mouche. Il table pourtant sur un schéma initiatique tout ce qu’il y a de plus classique, soit un sale môme qui échoue sur une île inhabitée après être passé par dessus bord lors d’un voyage en bâteau et qui, au contact d’un autre naufragé, un vieillard japonais qui a choisi de renoncer à la civilisation après la guerre, va grandir, évoluer et comprendre quelle est sa place dans l’ordre universel des choses. Ajoutez-y un message implicite à la fois écologique et antimilitariste, et on aurait même pu redouter que ‘Le royaume de Kensuké’ ne fasse qu’enfoncer des portes ouvertes. Il n’en est rien, en raison de quelques choix simples qui éloignent le résultat de toute complaisance, à commencer par celui de restreindre les dialogues à la portion congrue : Michael est d’abord seul sur l’île, ensuite avec un homme qui ne parle pas sa langue : il n’y aura pas d’apprentissage linguistique mutuel et la communication passera par d’autres moyens, ce qui fait du ‘Royaume de Kensuké’, non pas une production silencieuse mais “taiseuse” et lui permet de faire preuve d’une grande sensibilité dans la manière dont les personnages, humains comme animaliers, expriment leurs émotions. D’autre part, la magnificence des décors tropicaux, la luxuriance de la faune, de la flore, la dépiction de la pluie, de la brume matinale ou de la sécheresse, la fascination pour les activités humaines immémoriales comme l’artisanat ou la culture, tout cela donne l’impression qu’on a affaire à un chef d’oeuvre méconnu de Miyazaki. Comme le démontrent pourtant les personnages, réalistes et dépourvus des codes visuels de l’animation nippones, ‘Le royaume de Kensuké’ est une production strictement européenne, qui doit autant au manga qu’à la tradition franco-belge de la bande dessinée, une nature symbiotique qui avait déjà fait illusion dans le superbe ‘La tortue rouge’ de Michael Dudok de Wit, qu’il rappelle d’ailleurs par de nombreux aspects.