A quelques pas de l’armistice, René Clément joue de ses contacts, forme une équipe, dégotte des fonds et s’en va tourner son premier long-métrage. Dehors c’est toujours la guerre, et le projet doit prendre appui sur le Comité de libération du cinéma français. Sa voie est dès lors toute tracée : il sera voué à la cause de la Résistance et du réveil de la Nation. Précisément, La bataille du rail se concentre sur l’héroïsme, qu’on devine un peu romancé, des cheminots. Aujourd’hui on s’imagine mal vanter les mérites de la SNCF, qui a pourtant conservé tout son art du retard malgré les années ; mais à l’époque ses ancêtres sabotaient encore au nom de tous. On a donc là un goûteux florilège de tout leur savoir-faire : perçage, dynamitage, déviation de voie, coupure d’alim – auxquels s’ajoutent les distributions de tracts, les passages clandestins, les messages envoyés à Londres. Un véritable petit bréviaire des opérations courageuses menées quotidiennement par ces hommes épris de justice et de liberté, bourrés d’humilité, de renoncement, d’abnégation, alléluia. On se demande quels allemands ont pu accepter de léguer leurs traits aux pécores dépassés par un tel raz-de-marée de révolte patriotique. Pratiquement aucune mention faite aux collabos, ni aux froussards, ni aux défaites – on penserait presque à un ouvrage d’Etat. Mais le premier festival cannois ne s’est pas trompé en lui offrant ses prix du jury et de la mise en scène, car de son montage efficace à l’esthétique de ses images, du naturel crédible de ses acteurs à la puissance de certains plans, on ne peut que saluer la pertinence du travail effectué à une période aussi trouble. A voir, ne serait-ce que pour l’Histoire.