Un film d'évasion haletant, filmé d'une main de maître et avec un casting brillant. Tony Curtis et Sidney Poitier sont un binôme instantanément mémorable et attachant, le second rôle de Lon Chaney Jr. (l'indémodable Loup-Garou des années 40) est un ravissement des yeux (on le reconnaît de suite malgré les années passées), et la folle aventure se suit avec un plaisir non dissimulé. La traversée de la rivière puissante, l'intrusion dans l'épicerie sans un bruit (ou presque...) et surtout le final avec
la course pour attraper le train vers la liberté
, on retient son souffle bien souvent dans ce si joli film, qui prend même le temps de prôner le droit à l'égalité entre les couleurs (assez progressiste, pour un film des années 50) et l'amitié malgré la différence. On fond comme neige au soleil lors du twist final qui pousse John (Curtis)
à courir après Noah (Poitier) lorsqu'il apprend que celui-ci va vers un péril certain, tandis que lui-même aurait pu s'enfuir et s'assurer la liberté (avec une femme que l'on aura injurié copieusement quand elle explique avoir envoyé à la mort le "Nègre" - comme elle le dit - sans aucun regret...)
. Une émotion certaine, de la franche tendresse, qui se mêle délicieusement au suspens tendu de la dernière ligne droite de l'aventure (où l'on touche du bout du doigt la liberté...) et à la rudesse de la dernière scène, fataliste et pleine de morale à la fois. On aura aussi adoré les belles ellipses temporelles, qui se traduisent par des plans changeant sous nos yeux (le feu s'éteint lentement, la lumière du soleil se lève sur le paysage...), et les plans qui parviennent à capter toute l'intensité des scènes : le traveling de Poitier à Curtis, séparés par un poteau, lorsque ce dernier chante ce qui ressemble à un chant du cygne, puis la mème scène en plan fixe alors que les deux acteurs ne font plus qu'un, comme une stabilité d'image qui traduit la stabilité émotive des héros, l'amitié enfin accomplie, la liberté malgré
l'imminente incarcération
qui n'est d'ailleurs pas filmée à la fin de La Chaîne, comme si seul ce dernier plan libérateur devait constituer son point d'orgue sans se soucier de la suite. Un très beau dernier plan qui est à la hauteur de ce film d'aventures sous tension, avec des acteurs sublimes, et une morale très en avance sur son époque. A ne surtout pas manquer !