La Dentellière, 1976, de Claude Goretta, avec Isabelle Huppert, Yves Beneyton, Florence Giorgetti, Monique Chaumette et dans un petit rôle de débutante, Sabine Azéma. D’après l’œuvre éponyme de Pascal Lainé (Prix Goncourt 1974), qui a participé à l’adaptation cinématographique, pour le scénario et les dialogues. Œuvre subtile, délicate, toute en nuances, film bouleversant par l’histoire racontée et par le jeu d’une extraordinaire comédienne débutante…qui s’apprête à présider, 33 ans plus tard, le jury du prochain Festival de Cannes. Petite shampouineuse apparemment incolore, inodore et sans saveur, tout l’opposé de sa collègue extravertie qui l’emmène en vacances à Cabourg pour draguer, Pomme va néanmoins attirer l’attention d’un jeune étudiant cultivé et de bonne famille. Je ne me souviens plus si l’auteur du roman fait un lien explicite avec le tableau de Vermeer, La Dentellière, mais je sais que les figures féminines du peintre sont éclairées de l’extérieur, lumière de l’atelier ou d’une fenêtre. Pomme n’est pas brillante, et son éclat possible n’est que le reflet du regard que l’on veut bien poser sur elle, pour voir sa simplicité, sa sincérité, la façon dont elle s’accepte et accepte le monde qui l’entoure, sans jugement, sans dérangement. On ne sait trop s’il s’agit d’un vrai déficit d’expression, ou d’une forme de sagesse discrète. Quand l’amoureux va se lasser, après une heureuse période de vie commune, de sa jeune amante docile, trop transparente, inexistante en société et sans la moindre volonté de faire autre chose que ses shampoings (« mais pour faire quoi ? » demande t’elle) elle s’effacera sans rébellion pour glisser vers la folie. Ce feuilleton amoureux nous livre aussi une belle étude de comportements (familles, travail, milieux étudiant, vacancier), dont les détails liés à la banalité de la vie transcendent les réalités prosaïques pour laisser surgir la poésie et les vibrations à peine palpables de Pomme.