Il y a une dizaine d’années, Emmanuel Courcol était intervenu en tant que consultant sur un scénario qui mettait en scène un groupe de majorettes et sa fanfare, à Tourcoing. A cette occasion, les deux autrices, Oriane Bonduel et Marianne Tomersy, lui avaient fait rencontrer la formation de Tourcoing qui les avait inspirées : "Les Cht’is Lutins". Le cinéaste se rappelle : "J’avais été frappé par la chaleur de l’accueil et la force des liens qui unissaient cette communauté. De cette collaboration était née l’idée d’une rencontre improbable de cet univers populaire avec un chef d’orchestre classique : et pourquoi pas deux frères aux destins contrariés qui incarneraient ces deux mondes si différents ?"
"Huit ans plus tard, je suis reparti avec Irène Muscari du synopsis commun, pour raconter une histoire basée sur la construction progressive et chaotique de cette relation fraternelle inattendue, qui est devenue le fil rouge du récit. Nourri de musique classique et contemporaine, de jazz et de variété, il confronte aussi des pratiques musicales et des modes de vie très différents. L’idée est d’interroger le pouvoir fédérateur et réparateur de la musique sous toutes ses formes. Si collectivement elle peut cimenter une communauté dans une société qui se fracture économiquement et socialement, elle est aussi le lieu intime du rapprochement de deux frères que tout oppose, et leur patrimoine commun."
En fanfare a été présenté à Cannes Première au Festival de Cannes 2024. Emmanuel Courcol connaît bien la croisette puisque son précédent film, Un triomphe, y a obtenu le Label Festival en 2020.
Pour la partie orchestrale du film, l’idée était de sortir d’une simple captation de concert et d’être au cœur de l’orchestre. Emmanuel Courcol précise : "Il fallait obtenir des plans qu’on n’a pas lorsqu’on assiste à un concert. Je voulais qu’on soit immergé avec Thibaut, je voulais filmer ses mains et ses expressions. Pour la fanfare, c’était plus simple parce que les choses sont moins formelles au milieu d’une fanfare, et c’est un vrai spectacle en soi, plus chaotique, plus vivant aussi."
Benjamin Lavernhe est batteur, guitariste et sait aussi jouer du piano. Il lui a ainsi suffi de travailler les morceaux, en amont du tournage, pour faire illusion. Pour la direction d’orchestre, il a été coaché pendant plusieurs mois puis sur le tournage par Antoine Dutaillis, un jeune chef très brillant. Emmanuel Courcol se remémore : "Au tournage, pendant les extraits des pièces symphoniques il dirige réellement, à tel point que s’il faisait une erreur l’orchestre se plantait."
"Pierre est un musicien dans l’âme, autodidacte. Il n’a jamais fait de Conservatoire mais il compose, joue du piano à très bon niveau. On peut le voir pendant le bœuf qu’ils font avec Benjamin au restaurant où ils se sont amusés comme des fous. Pour le film, il a suivi pendant plusieurs mois des cours de trombone avec Estelle Wolf, une tromboniste qui joue aussi bien en formation classique que dans sa fanfare. Lui joue réellement pendant le film à un niveau amateur tout à fait acceptable."
"Sarah, elle aussi musicienne – accordéoniste - a également suivi des cours de trompette avec Estelle et se débrouille suffisamment avec l’instrument pour pouvoir suivre le rythme de la fanfare. On a fait d’ailleurs un making of de tout cet aspect musical du film. C’est passionnant, très drôle et très touchant."
Emmanuel Courcol a choisi Pierre Lottin très tôt, puisqu’il jouait dans Un triomphe. Le rôle de Jimmy a été écrit pour lui. En revanche, le metteur en scène n’avait pas tout de suite pensé à Benjamin Lavernhe car, au départ, le chef d’orchestre était le cadet et cette configuration posait problème pour le casting. C’est en décidant d’inverser les âges que Benjamin s’est imposé naturellement.
En fanfare a été tourné à Lallaing, près de Douai, dans le département du Nord. Avant de choisir cette commune, Emmanuel Courcol avait visionné le documentaire La Fanfare ne perd pas le nord ! et avait demandé au réalisateur, Frédéric Touchard, quelle fanfare contacter pour son film : "Un jour, on s’est donc retrouvé chez eux, comme Benjamin dans le film. Après la répétition on a bu des bières tous ensemble et immédiatement, les gens se sont montrés accueillants, charmants. Leurs personnalités comme leurs magnifiques locaux en brique et la salle de répétition qu’on voit dans le film correspondaient parfaitement à ce que je cherchais."
"Pour moi le choix était évident : j’avais trouvé la fanfare de Walincourt ! C’est donc cette fanfare que l’on voit jouer dans le film. Le premier jour du tournage ils étaient un peu intimidés mais très vite le naturel a repris joyeusement le dessus, surtout avec les seconds rôles de la fanfare qui, comme Jacques Bonnaffé, sont eux aussi tous instrumentistes. Et en jouant ensemble, ça a permis de créer un véritable esprit de troupe qui se ressent dans le film, on retrouve là le pouvoir fédérateur de la musique !"
Pour les seconds rôles, Emmanuel Courcol a d’abord cherché des acteurs, mais il fallait qu’ils puissent jouer de la musique. Il se souvient : "Car acteurs professionnels se mélangeaient avec de vrais musiciens de fanfare et il fallait qu’on ne puisse pas les distinguer les uns des autres. Sans jeu de mot, je suis très attaché à l’harmonie sur un plateau."