Plutôt que de se concentrer uniquement sur le handicap, Mon inséparable traite de la relation mère/fils et de l'émancipation double, comme l'explique la réalisatrice : "La vulnérabilité d’un enfant en situation de handicap radicalise les craintes de son ou ses parents, elle rend le détachement plus difficile à opérer, elle crée du ressentiment, de la culpabilité des deux côtés, des ressorts de fiction puissants, qui existent à plus ou moins grande échelle dans toutes les relations familiales." Elle tenait absolument à éviter le misérabilisme et le voyeurisme.
Anne-Sophie Bailly n'a pas de proche en situation de handicap mais est issue d'une famille de soignants : "La représentation des gestes du soin guide et habite tout mon désir de cinéma." L'idée de Mon inséparable lui est venue d'une rencontre dans une maison de retraite où travaillait sa mère. Une femme de 60 ans, handicapée par un retard intellectuel, avait vécu toute sa vie avec sa mère de 80 ans et l'avait même suivie quand elle est entrée dans une maison de retraite.
Les rôles de Joël et Océane sont interprétés par Charles Peccia Galletto et Julie Froger, eux-mêmes en situation de handicap. Il était hors de question pour la réalisatrice d'imiter le handicap. Elle souligne que Charles Peccia Galletto, même s'il partage des points communs avec son personnage, a véritablement incarné un rôle : "[il] a joué la façon dont Joël comprend le monde, avec l’appui du texte, mais il n’a pas les mêmes obsessions ni les mêmes endroits d’incompréhension que Joël : c’est un acteur, en situation de handicap."
Le casting a pris plusieurs mois durant lesquels Anne-Sophie Bailly a rencontré une centaine de personnes, à la fois des comédiens professionnels en situation de handicap et des travailleurs en ESAT, via plusieurs ateliers d’improvisation menés dans les institutions.
En faisant des recherches pour son film, la réalisatrice a appris qu'il y a environ 10 % de personnes handicapées dans la population française : "Parmi ceux qui évoluent en institutions, qui ont un besoin d’accompagnement conséquent, ceux qui fondent une famille sont comme des oiseaux sur la branche. En général, ils vivent juste en face des parents, dans un appartement qu’ils louent comme n’importe qui. De toute façon, les foyers n’accueillent pas de famille. Il commence à y avoir des appartements de transition où ils peuvent s’installer avec des éducateurs à proximité, mais la question de la famille n’est pas pensée parce qu’on est sur un tabou eugéniste."
Anne-Sophie Bailly avait les références suivantes pour Mon inséparable : Gloria de John Cassavetes, A bout de course de Sidney Lumet sur "une émancipation déchirante", et Alice n'est plus ici de Martin Scorsese. Elle ajoute : "Pour Mona, j’avais aussi en tête la tangente prise par la Wanda de Barbara Loden, et pour Joël, la simplicité sans explication du Lazzaro d’Alice Rohrwacher. Toutes ces figures, ces gestes de mise en scène m’ont beaucoup nourrie."