Drone est le premier film de Simon Bouisson, qui a précédemment œuvré pour la télévision avec la série Stalk, laquelle s’intéressait déjà aux questions de voyeurisme. Il explique : "On pourrait même finir par me dire : 'Mais si tu fais des films sur des voyeurs, tu es voyeur !'. Je n’ai pas l'impression d'être voyeur. Mais je suis conscient d'être plongé dans une société de pur voyeurisme. Ou plutôt de voyeurisme et d'exhibitionnisme permanent via les réseaux sociaux."
"Aujourd’hui presque tout le monde passe un temps et une énergie considérable à se montrer, se mettre en scène, et à se regarder les uns les autres. Et c’est vrai que je suis passionné par les questions que ça pose. Nous sommes une société où l'image est omniprésente et où la technologie est au cœur des liens virtuels, fantasmatiques, relationnels."
Le personnage d'Emilie est étudiante et, parallèlement, fait du "caming", une activité qui consiste à montrer son corps sur un site à des clients qui la payent pour la regarder faire des choses qui les excitent. Simon Bouisson précise : "Elle est à un moment de sa vie où elle souhaite arrêter. Elle voudrait se consacrer entièrement au séminaire qu’elle suit pour devenir architecte et pour lequel elle est venue à Paris. Mais elle est assez farouche et intégrer le groupe des jeunes architectes n’est pas évident pour elle."
L'objet "drone" s’est imposé à Simon Bouisson comme une évidence : il incarne quelque chose qui traverse beaucoup de questions qui se posent aujourd’hui : "Nous sommes, individuellement et collectivement, dans l’addiction aux technologies. On a parfois l'impression de pouvoir contrôler cette dépendance, mais au moment où on essaie de s'en défaire, on se rend compte que c'est trop tard. C’est elle qui nous possède."
"Au début, la technologie vient nous aider nous, nous protéger, faciliter nos vies. Et on doit bien se rendre compte que d’une certaine façon, elle nous désincarne. Elle nous oppresse et elle tue toute forme d'intimité et de bulle intime", confie le metteur en scène.
Si, dans la réalité, les drones font beaucoup de bruit, Simon Bouisson tenait à ce que celui qui espionne Emilie soit mystérieux et silencieux : "Il était déjà muet et ne communiquait que par virement bancaire. Mais c’est tard dans la fabrication du film, au moment du mixage, que Jean-Pierre Laforce, le mixeur, a affirmé cette idée simple et cruciale selon moi : le drone est sourd. Il voit mais il n’entend pas."
"Lorsque nous sommes le point de vue du drone, il n’y a plus de son extérieur. C’est une façon étrange de nous mettre dans sa tête. Plus on avance dans le récit, plus on a l’impression de l’entendre respirer. La respiration du voyeur… La machine devient définitivement un regard pervers", raconte le réalisateur.
Simon Bouisson a mis du temps à trouver l'interprète d'Emilie. Le cinéaste se rappelle : "Il y a beaucoup de jeunes comédiennes passionnantes. Beaucoup d’entre elles ont accepté de passer des essais. La plupart avaient de grandes qualités mais très souvent je sentais qu'il y avait quelque chose dans le rapport au drone qui clochait. Ça devenait un peu simpliste, trop concret, trop naturaliste. Là où Marion a immédiatement apporté un truc complètement hors sol, un peu lunaire."
"Au début du film le personnage est renfermé, coincé dans sa bulle, elle a du mal à interagir avec le monde réel. Marion parvenait à incarner ça, quelqu’un d’intérieur et d’apeuré… Mais l’instant d’après elle pouvait être le contraire absolu : sûre, forte, capable d’extérioriser sa révolte, avec des capacités physiques athlétiques dingues."