Le film parle d'une histoire qui n'a jamais été racontée : les mois pendant lesquels le roi et la reine de France, ainsi que leurs deux enfants, ont été emprisonnés dans une forteresse médiévale à Paris en attendant leur exécution. Gianluca Jodice explique : "Une courte période dont est issu le monde d'aujourd'hui."
"Une période au cours de laquelle tous les masques et symboles du passé, publics et privés, sont tombés : ceux du couple royal, ceux de l'Ancien Régime, ceux d'une page de l'Histoire irrémédiablement tournée et celui de Dieu qui s'est éclipsé dans l'ombre, abandonnant le roi et le laissant seul."
"Dentelle, perruques, fêtes somptueuses, Versailles... rien de tout cela dans ce film. Ce que l'on va trouver ici, c'est la part d'ombre, ce qui se cache dans les coulisses : les cachots, la violence, la souffrance, c'est tout."
Le Déluge est divisé en trois actes : "Gli dei" (Les dieux), "Gli uomini" (Les hommes) et "I cadaveri" (Les cadavres). Gianluca Jodice confie : "Comme s'il s'agissait des trois étapes de l'homme. Afin de souligner cette vision, métaphysique, plutôt qu'historique, Le Déluge utilise l'histoire de ces personnages, leur époque afin de dépeindre la condition humaine, le parcours de chacun sur cette Terre. Naissance, ascension, chute, mort. Le rendez-vous universel."
"C'est précisément pour ces raisons que l'éclairage, la palette de couleurs et le son s'éloigneront de toute convention « automatique » du cinéma d'époque, pour rechercher une sorte de radicalité ; ils seront à la fois modernes et radicaux, appelés à exprimer clairement une perspective contemporaine sur les événements de 1792 (même si un film parle plus de l'époque dans laquelle il est réalisé que de celle dans laquelle il se déroule)."
Gianluca Jodice, né en 1973, est diplômé en philosophie de l'université de Naples. Il tourne des court-métrages, Carne di topo (1999) et La Signorina Holibet (2001), et des documentaires dont Cercando la grande bellezza (2015) sur le film de Paolo Sorrentino. Après deux séries, 1992 (2015) et 1993 (2017) sur les mutations politiques de ces années-là en Italie, il réalise en 2021 Il cattivo poeta, son premier long métrage de fiction, interprété notamment par Sergio Castellitto. Le Déluge est son second long métrage de fiction.
Le Déluge est un film apocalyptique : il traite du moment où les masques tombent. Le long métrage a une ambition métaphysique plutôt qu'historique, il explore également une apocalypse personnelle : celle des protagonistes : "La chute de Marie-Antoinette et de Louis XVI, deux avatars d'un pouvoir dont la fin était inimaginable. Une chute qui les laissera pour la première fois nue devant leurs sujets, eux-mêmes, l'humanité."
"Louis et Marie-Antoinette, ce couple issu d’un mariage arrangé des deux plus grandes puissances européennes afin d'établir une alliance politique, entrent dans leur prison comme de parfaits étrangers. Elle est belle, séduisante, libertine et loin de tous les protocoles royaux ennuyeux. Lui est timide, sans autorité, tout sauf un roi. Il serait difficile d'imaginer deux personnes plus différentes", précise le cinéaste Gianluca Jodice.
Au cinéma, Louis XVI et Marie-Antoinette ont été interprétés à de nombreuses reprises. Vingt-six fois pour le premier et plus d'une quarantaine pour la seconde. Le Déluge donne à voir une représentation rare des deux derniers souverains : Louis XVI est plus pathétique et vulnérable que jamais, tandis que Marie-Antoinette est démystifiée.
"On n'avait même pas besoin de voir le travail des autres parce que le scénario commence là où tous les autres se sont arrêtés", confie Mélanie Laurent. Guillaume Canet ajoute : "Pour une fois, il n'y a aucun décor de Versailles. Il n'y a pas la cour, il n'y a pas les gens autour, il n'y a qu'eux. Et on leur enlève leurs proches et on les sépare eux-mêmes."
Guillaume Canet porte une fat suit - terme pour désigner une combinaison rembourrée - et plusieurs prothèses au visage. "C'était très inquiétant au départ", admet-il. "J'avais peur de ne pas pouvoir bouger mon visage suffisamment pour exprimer des choses et d'être caché derrière ce masque."
Tous les matins, l'acteur avait quatre heures de maquillage pour se glisser dans la peau de Louis XVI. Une heure et demie était nécessaire pour tout enlever chaque soir. Sans parler de la chaleur des nombreuses couches du costume.
Mélanie Laurent portait près d'une dizaine de couches - trois nuisettes, le corset, la jupe, la crinoline (un sous-vêtement qui donne une structure à la robe), un jupon, une autre jupe en soie et deux autres couches supplémentaires. Mais pour l'actrice, le plus difficile était de garder l'équilibre avec le poids de la perruque :
"Marie-Antoinette était très connue pour avoir changé beaucoup de choses dans la mode de l'époque. Elle faisait des structures de perruques complètement folles. C'est elle qui a fait changer la taille des portes à Versailles, parce que sinon ça ne passait. Les perruques étaient tellement grandes que des souris pouvaient s'y cacher."
"Sur le plateau, avec le chapeau et la perruque, sans oublier le corset, ma tête partait très vite sur les côtés. C'était vraiment très lourd, mais à la fois si agréable. Les films d'époque, j'adore ça, je n'en ai pas fait assez."