Cela faisait 31 ans, depuis "Le songe de la lumière", que Victor Erice ("L'esprit de la ruche"), aujourd'hui âgé de 83 ans, n'avait pas tourné de long métrage. Durant un tel laps de temps, Hong Sang-soo, au rythme où il "travaille", aurait eu le temps de réaliser 93 films. Personnellement, je préfère garder en mémoire "fermer les yeux" plutôt que ces 93 films potentiels. L'histoire que nous raconte Erice pour son retour aux affaires est d'une très grande simplicité :
alors qu'il tournait un film avec Miguel Garay, son meilleur ami, Julio Arenas, un acteur très célèbre, disparaît subitement. Est-il mort ? S'est-il suicidé ? A-t-il été victime d'un accident ? 22 ans plus tard, une émission de télévision ayant comme sujet les affaires non résolues lui est consacrée. Miguel Garay y est interviewé et, alors qu'il a rejoint la caravane qu'il habite dans la région du Cabo de Gato depuis qu'il a arrêté de tourner, voilà qu'arrive le témoignage d'une jeune femme travaillant dans une maison de retraite de la même région et qui, ayant vu l'émission, affirme qu'un amnésique recueilli dans cette maison de retraite n'est autre que Julio Arenas. Voici donc Miguel se demandant que faire pour rendre la mémoire à Julio.
C'est dans de telles conditions qu'on peut voir facilement la différence entre un grand réalisateur et ... les autres. Sur ce synopsis très simple, Victor Erice, alternant avec brio plans séquence et champs-contrechamps, nous propose de nous abandonner à une certaine nostalgie en nous parlant de mémoire, d'identité, de cinéma. Certes, on trouvera sans doute des détracteurs qui trouveront que le rythme du film est trop lent, qu'on s'ennuie, nia, nia. On leur concédera qu'il y a peut-être 5 ou 6 minutes (sur 169 !) durant lesquelles la tension qu'on ressent a tendance à légèrement faiblir, mais, pour le reste, tant pis pour eux s'ils ne sont pas capables d'apprécier une telle œuvre. Dans la distribution qui s'appuie sur des piliers du cinéma espagnol, Manolo Solo, José Coronado, Josep María Pou, etc., on retrouve avec plaisir Ana Torrent, Ana dans "L'esprit dee la ruche", Ana dans "Cria Cuervos" et qui joue ici le rôle d'...Ana, la fille de Julio Arenas.