Fremont : les secrets du tournage

Babak Jalali est né dans le nord de l'Iran et a grandi principalement à Londres. Avec Fremont, il s'intéresse à une ville de la baie de San Francisco qui abrite la plus grande communauté afghane des Etats-Unis. C'est en tournant Radio Dreams dans la région de San Francisco et par le biais d'un membre afghan de son équipe qu'il a découvert l'existence de Fremont. Il y a rencontré notamment des interprètes ou traducteurs pour l’armée américaine en Afghanistan. Leur sort lui est resté en tête et, lorsque des années plus tard, il s'est attelé à un nouveau projet avec sa productrice Marjaneh Moghimi, il a décidé de retourner à Fremont avec Carolina Cavalli, sa coscénariste, pour rencontrer plus de gens de cette communauté.

Lors de ses recherches, Babak Jalali a rencontré plusieurs ex-traducteurs afghans, la majorité étant des hommes. Il voulait cependant s'intéresser à une femme exerçant ce métier : "j’ai toujours été agacé par la façon dont les femmes afghanes étaient montrées dans les médias ou au cinéma : toujours cloîtrées à la maison, pauvres, opprimées, toujours dans la souffrance, toujours victimes. J’ai grandi en Iran, pays où il y a beaucoup d’Afghans, et toutes les Afghanes que j’ai rencontrées au cours de ma vie étaient des femmes puissantes, indépendantes, actives, qui avaient des projets, et j’ai pensé que ce serait bien de montrer cet aspect des femmes afghanes au cinéma." De plus, il y a toujours un élément afghan dans ses films parce qu'il a toujours éprouvé de la honte quant à la façon dont les Afghans étaient traités en Iran : "Cette culpabilité m’a toujours accompagné, et ce d’autant plus que les Afghanes et Afghans sont des personnes sympathiques et chaleureuses."

Bien qu'elle soit une femme immigrée, solitaire, faisant un job alimentaire qui ne correspond pas à ses qualifications, le personnage de Donya n'apparaît pas comme une victime. Il était essentiel pour le réalisateur de la dépeindre avec dignité : "je pense que quand on fait un film sur ce genre d’expérience, on a une responsabilité envers le public : je voulais humaniser le personnage mais aussi établir une profonde connexion entre Donya et les spectateurs qui n’ont pas forcément vécu l’expérience de l’immigration."

Babak Jalali ne savait rien de la fabrication des fortune cookies avant de tourner Fremont. Ce sont la productrice et la co-scénariste de Fremont qui lui ont fait visiter une fabrique à San Francisco. Impressionné par les possibilités visuelles de ce lieu, il a décidé d'en faire le décor de son film : "C’était super parce que le film explore les possibilités qui se présentent à Donya aux Etats-Unis et les messages des fortune cookies parlent souvent de cela. Ces messages ne sont jamais emphatiques, ils ne vous promettent pas que vous allez gagner un million, ils vous donnent simplement une piste de questionnement, un petit rayon d’espoir, ils vous font entrevoir la possibilité des possibilités".