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Pour le lecteur pressé: https://youtu.be/Lv65szRT1t0
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Sinon:
Un homme. Un regard. Une hésitation. Et soudain, le poids du monde sur les épaules. Fabio (Julien Ernwein), silhouette effacée parmi la foule, mène une existence morne, sans éclats ni reliefs, jusqu’au jour où la machine judiciaire, avec son sens de l’humour bien à elle, l’arrache à sa torpeur. Le voici juré.
L’affaire ? Un jeune homme accusé d’un incendie mortel. Une de ces tragédies ordinaires où tout le monde joue son rôle avec application : l’accusé mutique, l’avocat grandiloquent, la cour sévère. Et au milieu, Fabio, pauvre funambule oscillant entre raison et émotion, chargé de prononcer un verdict qu’il n’a jamais voulu rendre.
Samuel Theis filme l’incertitude. Il la traque, l’étire, la sculpte en silences assourdissants. Ici, pas de joutes oratoires flamboyantes, pas de vérités jetées en pâture à la foule. Juste l’absurdité d’une justice humaine, donc bancale, où l’on juge autant avec ses tripes qu’avec son cerveau.
Julien Ernwein incarne Fabio avec cette fragilité d’un homme soudainement conscient de l’ampleur de son propre vertige. Marina Foïs et Louise Bourgoin, elles, ponctuent le récit de leur présence magnétique, tandis que Souleymane Cissé, accusé ou victime de son époque, trouble plus qu’il ne rassure.
Et cette musique, entêtante, presque spectrale. Maud Geffray tisse une bande-son qui s’insinue sous la peau, faite de nappes électroniques distordues et de sonorités étranges. Un cor solitaire, égaré, comme un écho de conscience qui s’accroche aux murs d’un tribunal indifférent.
Je le jure est un film qui s’accroche, s’infiltre, vous laisse à nu face à vos propres contradictions. On en ressort avec une seule certitude : la justice n’est peut-être qu’une illusion raffinée, un théâtre où l’on joue sans texte, dans l’espoir naïf d’en comprendre un jour la pièce.