Un tueur à gages pas très engageant dans l’adaptation du jeu vidéo Hitman, un survival horrifique tout aussi fade à la Frontière(s) luxembourgeoise, un very bad trip à Budapest, Xavier Gens a toujours su créer un engouement de niche à travers ses œuvres, même les plus anecdotiques. Et lorsqu’il est parvenu à maîtriser des sensations fortes dans son actioner horrifique Cold Skin, directement sorti en VOD, nous étions en droit d’espérer un retour en force sur le grand écran. Le cinéaste semble avoir passé un cap et en est suffisamment conscient pour prendre un virage radical dans sa filmographie. Il s’offre une seconde chance, à l’image de son héros déchu, qui n’a plus sa place sur le territoire français. Il est vrai que Gens préfère de loin voyager à travers le monde, quitte à trébucher sur quelques bricoles, mais au fond, ne cherchait-il pas simplement le tremplin idéal pour rebondir ?
C’est chose faite avec ce film d’action purement et simplement violent, qui lorgne davantage dans la décadence de The Raid que dans l’extravagance de John Wick. Cantonné à plusieurs rôles secondaires, Nassim Lyes s’affiche de plus en plus, notamment dans la relecture Shakespearienne dans le récent 16 ans de Philippe Lioret. Aujourd’hui, ce dernier incarne l’une des nouvelles figures qui prend exemple sur les meilleures séries B américaine, où le comédien principal joue de sa physicalité à l’écran. Il s’agit d’une excellente matière pour le personnage de Sam, qui doit fuir le passé criminel qui le rattrape. La majorité du récit prend alors place à Bangkok et dans sa périphérie, où tout prétexte est bon pour arroser l’écran de sang. Il ne faut pas attendre un scénario complexe ou ambigu à ce sujet, car tout l’intérêt de cette manœuvre réside dans la forme.
Lorsque la nouvelle famille de Sam est prise pour cible d’un gang local, ce père de famille n’hésite pas à empoigner sa vengeance à deux mains pour que le big boss Narong, campé par un Olivier Gourmet surprenant de justesse, repose en pièces. A partir de là, on sait où on va et on sait que le chemin sera semé d’embuches et de confrontations que Gens prend plaisir à mettre en scène. Le choc des coups résonne, l’ambiance est viscérale et aucun endroit exigu ne freinera nos attentes ou les envies de bien faire dans cette course-poursuite de jour comme de nuit dans une cité qui vit en partie de la contrebande. Si on prend le risque d’écarter le héros de l’introspection, on mise tout sur une hype nourrie par à peine cinq millions d’euros de budget. Bien que les vilains aient assez peu de temps pour être iconisé et développé, cette économie de temps permet de renforcer l’intensité du film, qui ne ment jamais sur sa marchandise.
Loin du modèle super-guerrier qu’Alban Lenoir a le mérite de défendre dans Balle Perdue et Aka, Xavier gens préfère les héros dont la sensibilité est proportionnelle à leur rédemption. Il assaisonne le tout avec l’expérience acquise auprès du cinéaste Gareth Evans sur la série britannique Gangs of London, sans oublier le précieux appui du chorégraphe Jude Poyer (Kingsman) et on obtient cette audacieuse proposition qu’est Farang, traduction littérale de « français » en thaïlandais et laotien. Furieux et passionnant à découvrir dans le paysage français, espérons que cet essai converti pourra se multiplier dans les prochaines années, afin que le blason tricolore prétende à son lot de séries B d’action qui se dévorent indépendamment des superproductions venues d’ailleurs. Difficile de ne pas en redemander davantage.